(Paris) Affaiblie, divisée, la gauche française reste engluée à quatre mois de l’élection présidentielle et la dernière proposition en date de la maire socialiste de Paris, Anne Hidalgo, d’organiser une primaire s’est vu opposer un refus cinglant de tous ses concurrents écologiste, communiste et de la gauche radicale.

Alors que tous les regards en France sont tournés ces derniers mois vers les trajectoires et les percées des candidats de droite et d’extrême droite, la gauche, laminée en 2017 avec l’élection d’Emmanuel Macron, reste largement inaudible et ses sept candidats rassemblent chacun entre 2 % et 10 % au maximum dans les sondages et moins de 25 % des intentions de vote au total.

Mercredi soir, la socialiste Anne Hidalgo, à la peine dans les sondages lui prédisant entre 3 et 7 % des voix et dont la candidature n’a jamais décollé, a fait une proposition surprise : une primaire à gauche pour enrayer la dispersion et faire front à la droite et l’extrême droite.

« Je sais que si nous ne faisons pas ce rassemblement, il n’y aura pas de possibilité pour cette gauche de continuer à exister dans notre pays », a-t-elle solennellement déclaré au journal télévisé du soir. Quelques heures plus tard, la proposition semblait déjà mort-née, ses principaux concurrents lui ayant opposé une fin de non-recevoir.

« Non, je ne participerai pas à une primaire de la gauche », a asséné l’écologiste Yannick Jadot, qui est entre 6 et 9 % des intentions de vote au premier tour et dont la candidature a déjà été officialisée après une primaire chez les Verts. Pour les écologistes, la proposition de la maire de Paris est une « manœuvre tactique » qui ne prend pas en compte le « problème de fond : la social-démocratie n’est plus le nouvel horizon historique, c’est l’écologie », a déclaré à l’AFP une des porte-parole de M. Jadot, Delphine Batho.

Les Insoumis (gauche radicale), dont le candidat Jean-Luc Mélenchon (10 % dans les sondages) est en campagne depuis plus d’un an, refusent aussi catégoriquement l’idée de primaire, estimant que les candidats ont des projets trop différents. « C’est la proposition de la dernière chance pour elle », s’est moquée la députée insoumise Danièle Obono.

« Si vous doutez de votre candidature, venez me rejoindre ! », lui a pour sa part lancé le communiste Fabien Roussel, donné à entre 1 et 3 % dans les sondages, mais qui compte bien se maintenir jusqu’au bout.

Mais pour Mme Hidalgo, qui s’exprimait jeudi soir sur la chaîne de télévision LCI, « cette réponse trop rapide pour être sérieuse va sans doute bouger, sous l’effet de la demande des citoyens de gauche qui disent “unissez-vous” ». « Le train est parti, montez dedans chers camarades », a-t-elle lancé à ses concurrents.

Seul l’ancien socialiste Arnaud Montebourg, lui-même en grande difficulté — il n’a jamais dépassé les 2 % — avait proposé, avant la proposition de la maire de Paris, d’« offrir sa candidature à un projet et un candidat communs ».

« Désastreux »

Interrogé par l’AFP, le politologue Gérard Grunberg a dressé un constat sans appel et déploré « un naufrage collectif ».

C’est désastreux. Jamais la gauche n’a été aussi divisée depuis le début de la Ve République (1958), elle est à l’agonie et la campagne présidentielle va se faire sans elle.

Le politologue Gérard Grunberg

Pour le politologue, qui fut adhérent au Parti socialiste tendance sociale-démocrate, les socialistes « ont fait l’erreur de penser que l’élection de Macron en 2017 était un accident et qu’on reviendrait tranquillement à une traditionnelle alternance gauche droite. Ils ne sont plus un parti de gouvernement, et ils pensent depuis des années refaire l’union de la gauche alors que c’est fini depuis bien longtemps, c’est chacun pour soi, dans son couloir ».

À quatre mois de l’élection, le président sortant Emmanuel Macron, qui n’a pas encore déclaré sa candidature, demeure toujours en tête des intentions de vote (25 %) pour le premier tour, mais doit faire face à une percée de la candidate de la droite républicaine LR, la présidente de la région parisienne Valérie Pécresse, officiellement désignée le week-end dernier à l’issue d’une primaire des militants.

Du côté de l’extrême droite, Marine Le Pen fait jeu égal avec Mme Pécresse (16 %), devant l’ex-polémiste identitaire et ultra radical Eric Zemmour (14 %).