(Leigh-on-Sea) Le suspect du meurtre du député britannique David Amess, un acte qualifié de terroriste par la police, avait été orienté vers le programme national de lutte contre la radicalisation, mais ne l’a pas suivi longtemps, selon des médias britanniques.

Les enquêteurs ont jusqu’à vendredi pour interroger cet homme de 25 ans, après l’avoir placé en détention en vertu de la loi sur le terrorisme, ce qui leur permet de prolonger sa détention.

Les premiers éléments de l’enquête, confiée à la direction antiterroriste, révèlent « une motivation potentielle liée à l’extrémisme islamiste », selon la police qui a déclaré effectuer des perquisitions à trois adresses à Londres.

L’homme interpellé serait un ressortissant britannique d’origine somalienne nommé Ali Harbi Ali, selon la BBC.

Dans le quartier de Kentish Town, dans le nord de Londres, des policiers ont érigé une tente devant une maison en brique de deux étages dans laquelle ils faisaient des recherches, munis de gants bleus. L’adresse est présentée par plusieurs médias comme étant le domicile d’Ali Harbi Ali.  

« La police est là depuis vendredi », a confié une voisine interrogée par l’AFP. « Nous connaissons la famille, ce sont des gens adorables », a-t-elle dit, expliquant qu’« ils ont trois fils ».

Benjamin, un habitant de 47 ans qui ne souhaite pas donner son nom de famille, s’est aussi dit « stupéfait » des investigations menées par la police dans sa rue.

« Ils étaient déjà là hier toute la journée, et j’ai demandé s’il s’était passé quelque chose, ils m’ont dit, “non rien d’intéressant” », a-t-il raconté, décrivant le quartier comme « très bien, très calme ».

Le député conservateur David Amess, 69 ans et père de cinq enfants, recevait ses administrés dans une église méthodiste à Leigh-on-Sea, à environ 60 km à l’est de Londres, lorsqu’il a été poignardé à mort vendredi peu après midi.  

PHOTO ALBERTO PEZZALI, ASSOCIATED PRESS

Une photo du député David Amess a été posée sur un lutrin à l’église méthodiste où il a été assassiné.

Le jeune homme arrêté vendredi avait été orienté il y a plusieurs années vers le programme Prevent, un dispositif destiné aux personnes présentant un risque de radicalisation et basé sur le volontariat, selon la BBC. Il n’y aurait pas été très assidu et n’a jamais été officiellement considéré comme un « sujet d’intérêt » pour l’agence de sécurité nationale, indique ce média.  

Les services de police et de sécurité pensent que l’assaillant a agi seul et qu’il était « autoradicalisé », selon le Sunday Times. Il pourrait avoir été inspiré par Al-Shabab, les islamistes liés à Al-Qaïda en Somalie.

Rendez-vous

Le père d’Ali Harbi Ali, Harbi Ali Kullane, ancien conseiller du premier ministre somalien, a confirmé au Sunday Times que son fils était en détention et s’est dit « très traumatisé ».  

John Lamb, un conseiller conservateur local, a raconté à des médias britanniques que le jeune homme avait attendu patiemment son tour avant de se jeter sur le député et de le poignarder à plusieurs reprises devant deux assistantes du parlementaire.

« On m’a dit qu’il avait poignardé Sir David et qu’il avait simplement attendu dans la salle paroissiale jusqu’à l’arrivée de la police », a déclaré samedi au Telegraph Kevin Buck, vice-président de l’association de circonscription.

Il avait pris rendez-vous une semaine à l’avance, selon le Daily Mail.

Samedi soir, des centaines de personnes ont assisté à une veillée aux chandelles sur un terrain de sport proche du lieu du crime, observant une minute de silence à la mémoire du député.  

En signe d’unité, le premier ministre conservateur Boris Johnson et le chef du parti d’opposition travailliste, Keir Starmer, avaient déposé des gerbes de fleurs sur les lieux du drame samedi matin.

PHOTO PETER NICHOLLS, REUTERS

Le premier ministre conservateur Boris Johnson et le chef du parti d’opposition travailliste Keir Starmer se sont rendus sur les lieux du drame, samedi.

Boris Johnson a laissé un message saluant un « excellent parlementaire et un collègue et ami très aimé ».

De nombreuses personnes, dont des membres de la communauté musulmane, sont venues déposer des bouquets de fleurs et des hommages écrits à la victime.

« Combler les lacunes »

Ce meurtre ravive le traumatisme encore récent de l’assassinat de la députée travailliste Jo Cox en juin 2016.

L’élue âgée de 41 ans avait été tuée de plusieurs balles et coups de couteau par un extrémiste de droite, Thomas Mair, 53 ans, une semaine avant le référendum britannique sur l’appartenance à l’Union européenne.

PHOTO BEN STANSALL, ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE

Scène de recueillement pour la députée britannique Jo Cox à Londres, en juin 2016

Ces deux drames interrogent sur les dispositifs de sécurité entourant les députés quand ils sont au contact du public.

« Nous devons combler les lacunes » en termes de sécurité, a déclaré la ministre de l’Intérieur Priti Patel sur SkyNews.

Interrogée sur la mise en place d’une protection policière pour les députés dans leurs circonscriptions, la ministre a déclaré que « toutes les options étaient envisagées actuellement ». Elle a précisé qu’une « série de mesures » avaient déjà été mises en place.

Quelque 650 députés ont été contactés par la police et des policiers ont protégé les lieux où se tenaient des permanences parlementaires samedi.

Priti Patel a aussi souligné que le programme Prevent fait actuellement l’objet d’un examen indépendant, destiné à l’améliorer.