(Paris) « Coup dans le dos », « brutalité », « déloyauté »… la fureur était palpable jeudi en France après la rupture par l’Australie d’un important contrat de sous-marins avec Paris, au profit d’un pacte stratégique et commercial avec Washington et Londres.

« C’est vraiment, en bon français, un coup dans le dos », s’est indigné le chef de la diplomatie française Jean-Yves Le Drian sur la radio France Info, se disant « en colère, avec beaucoup d’amertume ».

« Nous avions établi avec l’Australie une relation de confiance. Cette confiance est trahie », a lancé le ministre, qui avait conclu le « contrat du siècle » sur les sous-marins lorsqu’il était ministre de la Défense.

Pas de « respect de la parole donnée »

Au même moment, la ministre des Armées Florence Parly déplorait sur RFI « une très mauvaise nouvelle pour le respect de la parole donnée » et une décision « grave » en matière de politique internationale.

Le premier ministre australien Scott Morrison a annoncé jeudi la rupture de ce gigantesque contrat de 90 milliards de dollars australiens (83 milliards de dollars canadiens, sur toute la longueur) conclu en 2016 avec la France pour la fourniture de sous-marins conventionnels.

Canberra a préféré conclure un partenariat stratégique avec les États-Unis et la Grande-Bretagne comprenant notamment la livraison de sous-marins à propulsion nucléaire par Washington.

Les deux ministres français n’ont pas mâché leurs mots vis-à-vis du président américain Joe Biden, accusé de piétiner ses alliés.  

Cette décision unilatérale, brutale, imprévisible ressemble beaucoup à ce que faisait Monsieur Trump.

Le ministre des Affaires étrangères de France Jean Yves Le Drian

« On a appris brutalement par une déclaration du président Biden que voilà, le contrat qui était passé entre la France et les Australiens s’arrête, et puis les États-Unis vont proposer une offre nucléaire, dont on ne connaît pas le contenu, aux Australiens », a pointé le ministre Le Drian.

« Cela ne se fait pas entre alliés (..) Nous parlions de tout cela avec les États-Unis il y a peu de temps et là, voilà cette rupture. C’est assez insupportable », a-t-il martelé.

« Nous sommes lucides sur la manière dont les États-Unis considèrent leurs alliés et leurs partenaires », a pour sa part estimé Mme Parly.

Le camouflet a aussi suscité la colère des parlementaires français, qui ont dénoncé « un coup de Trafalgar de la part pays alliés ».

Le Sénat s’est ainsi interrogé sur « la nature exacte » de la relation entre Paris et Washington.

« Nous allons devoir nous interroger sur l’attitude récurrente de certains de nos alliés, qui se comportent plus comme des adversaires que comme des concurrents loyaux », a déclaré Christian Cambon, le président de la commission des Affaires étrangères, de la Défense et des Forces armées du Sénat.

Les sénateurs s’inquiètent également de la vente à un pays non doté de l’arme nucléaire de sous-marins à propulsion nucléaire.

Cela « n’a pas de précédent », « les États-Unis et le Royaume-Uni changent les règles du jeu », selon le communiqué du Sénat.

De son côté, la présidente de la commission de la défense de l’Assemblée nationale, Françoise Dumas, a fustigé le « caractère inamical, voire déloyal » de la décision australienne, et « une remise en cause incompréhensible d’un partenariat stratégique d’ampleur ».  

Le français Naval Group avait été sélectionné par Canberra pour fournir 12 sous-marins à propulsion conventionnelle (non nucléaire) dérivés des futurs sous-marins nucléaires français Barracuda.

Interrogée sur la question d’éventuelles compensations, Mme Parly a répondu : « nous allons étudier toutes les voies » et tenter de « limiter le plus possible les conséquences pour Naval Group ».

« Il va falloir des clarifications. Nous avons des contrats. Il faut que les Australiens nous disent comment ils s’en sortent », a renchéri Jean-Yves Le Drian en réclamant des « explications » à l’Australie comme à Washington.