(Paris) L’échec du Rassemblement national aux élections régionales, qui contrarie la dynamique de Marine Le Pen pour la présidentielle, redonne des ailes aux soutiens du polémiste Éric Zemmour et renforce l’hypothèse de sa candidature en 2022.

« Zemmour président ». Plusieurs centaines de partisans de l’éditorialiste de la chaîne télévisée CNews et du magazine Le Figaro ont opportunément collé avec ce slogan des affiches dans un millier de communes juste après le second tour des régionales où le RN a subi un net recul.

« Voilà un lendemain d’élection qui chante », s’est réjoui le maire d’Orange, l’ex-Front national Jacques Bompard, qui a initié d’autres comités de soutien, en tweetant une photo des affiches dans sa ville.

Dès le lendemain du premier tour, Éric Zemmour lui-même n’avait pas manqué de critiquer le parti de Marine Le Pen.

En « invectivant » les électeurs pour qu’ils aillent voter, les dirigeants du RN sont comme « des rentiers qui réclament leurs dividendes », avait-il tonné, en dénonçant la « stratégie de dédiabolisation » de Marine Le Pen qui la fait « parler comme Emmanuel Macron ». Il l’a aussi accusée d’avoir « purgé » ses opposants et d’être « loin de sa base ».

Eric Zemmour « est devenu un candidat », a vilipendé Marine Le Pen, en déplorant « la violence et l’outrance » de ses déclarations, qui « démontrent qu’il considère le RN comme un concurrent politique “.

Une aide pour Le Pen ?

La présidente du RN avait déjà pris ses distances avec les propos « radicaux » du polémiste sur l’islam — qu’elle considère compatible avec la République — ou sa « croyance dans la guerre civile » , craignant que sa candidature n’affaiblisse le « camp national » .  

Pourtant M. Zemmour pourrait être davantage une aide qu’un handicap pour le RN, au vu d’un récent sondage IFOP pour le magazine Le Point qui le créditait de 5,5 % d’intentions de vote au premier tour de la présidentielle, émanant d’abord de l’électorat LR plutôt que du RN.

Si Éric Zemmour parvient à séduire comme sur la chaîne CNews les catégories socioprofessionnelles les plus favorisées et les aînés, « qui votent peu pour le RN, au mieux il pourrait apporter ses points à Marine Le Pen au second tour », estime l’historien Nicolas Lebourg, en rappelant que « tous ceux qui ont tenté de concurrencer le Front national sont morts politiquement ».

Comme un pas de plus vers une candidature, le polémiste, qui réunit chaque semaine sur CNews entre 700 000 et 1 million de téléspectateurs, s’est récemment mis en scène dans des petites vidéos sur Twitter, dans la maison natale du général de Gaulle, ou sur une plage pour dire son opposition aux éoliennes.

Condamné

« Peut-être qu’il faut passer à l’action », avait lâché le polémiste début juin sur la chaîne YouTube Livre noir, animée par des proches de Marion Maréchal, nièce de Marine Le Pen et personnalité de l’extrême droite française.

Mais ses ambitions supposées sont déjà contrariées.  

Selon le site Politico, Éric Zemmour aurait demandé en vain à Patrick Stefanini, ex-directeur de campagne du conservateur François Fillon en 2017, de conduire la sienne.

Lundi, il a annoncé avoir perdu son éditeur Albin Michel pour un prochain livre à paraître en septembre.  

La maison d’édition, qui a publié cinq ouvrages de l’éditorialiste, a révélé à cet égard avoir rompu avec lui en raison de son « intention de s’engager dans la présidentielle ».

« Nous avons eu un échange très franc avec Éric Zemmour, qui m’a récemment confirmé son intention de s’engager dans la présidentielle et de faire de son prochain livre un élément clé de sa candidature », a rapporté le président d’Albin Michel, Gilles Haéri, dans un communiqué transmis à l’AFP.

Par ailleurs, visé dans la presse par plusieurs accusations d’agressions sexuelles, il avait été condamné à l’automne à 10 000 euros d’amende pour injure et provocation à la haine après sa diatribe contre l’islam et les immigrés « colonisateurs » en septembre 2019.

« Dans une campagne électorale, on ne peut pas répondre “c’est à cause de l’islam” à toutes les questions. Il faut avoir des arguments sur des questions industrielles », souligne dans L’Express l’historien Nicolas Lebourg.

CNews avait aussi été condamné en mars à une amende du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) de 200 000 euros après un autre dérapage sur les mineurs isolés.

Mais tant qu’Éric Zemmour ne se sera pas déclaré candidat ou soutien d’un parti, le CSA ne lui décomptera pas son temps de parole.