La carte de l’Italie est passée majoritairement au jaune, signalant l’ouverture des théâtres et des cinémas, mais aussi de la plupart des établissements scolaires. Les pressions étaient grandes sur le nouveau premier ministre pour renvoyer les enfants en classe, en personne.

Durant les premières semaines de la pandémie, Sara Ferraioli et ses collègues de l’organisme Maestri di Strada ont distribué des « paquets de nourriture pour l’esprit » aux enfants de Naples : papiers, crayons, lettres de leurs enseignants. « Pour leur dire que nous étions tous, d’une façon ou d’une autre, tout près », raconte l’enseignante en arts, jointe grâce à une application de téléphonie. Elle appréhendait les impacts de la fermeture des écoles sur les jeunes défavorisés de sa ville, où la scolarisation présentait déjà des défis.

Dans les quartiers chauds de la ville, des mères interdisent aux enfants de marcher seuls dehors, pour leur sécurité, explique-t-elle. « Parfois, les jeunes n’allaient pas à l’école parce que leur mère ne pouvait pas les accompagner, illustre Mme Ferraioli. Notre travail était alors de les accompagner physiquement. »

Durant la fermeture de l’école, son organisme a incité les enfants à « reprendre l’espace public », en organisant des activités éducatives pour quelques dizaines d’entre eux, notamment dans les cours des immeubles.

PHOTO FOURNIE PAR SARA FERRAIOLI

L’organisme Maestri di Strada a organisé des activités éducatives à l’extérieur pendant la pandémie de COVID-19.

Fermeture prolongée

En une année, l’Italie a fermé ses classes, partiellement ou totalement, pour un total d’environ 35 semaines – plus longtemps que d’autres pays européens comme la France et l’Espagne, par exemple.

La plupart des jeunes du primaire ont pu regagner les classes en personne après le congé de Pâques. Pour les élèves du secondaire, le retour avait lieu cette semaine.

Même si la situation du décrochage scolaire s’est améliorée en Italie, le taux reste plus élevé que la moyenne européenne, à 13,8 % en 2016 contre 10,8 % pour l’Union européenne. Dans certaines régions du sud de l’Italie, comme à Naples, il est cependant supérieur.

Des Italiens craignent que les conséquences des mesures sanitaires ne viennent encore creuser l’écart entre le nord et le sud du pays, et accentuer les inégalités sociales. Les écoles secondaires de la région de Campanie, où se trouve Naples, ont été fermées plus longtemps que dans d’autres zones de la même couleur. Le système de transports en commun utilisé par les élèves en était une raison.

Les problèmes dans le Sud sont de vieux problèmes, mais la COVID-19 les a fait ressortir. Le Sud est plus pauvre, il y a moins de travail, le système de transports en commun a des problèmes historiques.

Allegra Nelli, mère de deux enfants

Mère de deux garçons de 10 et 14 ans, Allegra Nelli craignait elle-même un abandon scolaire. Elle estime que son aîné, qui a un trouble de la concentration, est « très en retard » dans le programme ; il a arrêté les leçons à distance pendant un mois. Il est retourné à l’école à la réouverture des classes lundi.

« Il est content de revoir ses amis », dit Mme Nelli, jointe par téléphonie web.

Pression

La pression était forte sur le premier ministre nouvellement élu, Mario Draghi, d’alléger les mesures, particulièrement pour les écoles.

Lisa Jucca, mère de deux enfants de 9 et 13 ans, a cofondé en octobre le groupe d’actions civiques A scuola ! – à l’école ! – pour tenter de convaincre le gouvernement de prioriser le retour en classe des élèves.

« Nous voulions attirer l’attention sur les fermetures d’écoles, a-t-elle dit de Milan dans une entrevue téléphonique. Il n’y avait pas vraiment de discussions ou de débats, c’était la première chose fermée. Dans les autres pays, ce qu’on voyait, c’est qu’ils fermaient tout le reste et l’école était fermée en dernier. »

Ce n’est pas contre les mesures sanitaires que le groupe s’est prononcé dans des manifestations, au contraire : les parents demandaient un retour en classe avec un protocole adéquat.

Nous ne nions pas la COVID-19, mais il faut s’occuper de la santé mentale aussi et des impacts possibles.

Lisa Jucca, mère de deux enfants et cofondatrice du groupe A scuola

A scuola ! a envoyé un questionnaire à 1400 jeunes de 12 à 19 ans de différents territoires, dans un effort pour prendre le pouls des adolescents italiens. « L’une des questions était ouverte et c’était déprimant de constater que beaucoup d’enfants se sentaient fâchés contre les adultes, laissés pour compte », dit Mme Jucca.

Déconfinement

Au total, 22 % de la population italienne a reçu au moins une dose de vaccin.

Les régions en zone jaune ont pu rouvrir cinémas et théâtres, avec distanciation physique et port du masque. Les terrasses des restaurants peuvent de nouveau servir les clients. Les centres commerciaux pourront rouvrir à la mi-mai. Le couvre-feu à 22 h demeure.

L’Italie a interdit d’entrée sur son territoire les personnes en provenance de l’Inde, devant la menace du nouveau variant. Un premier cas de cette mutation aurait été enregistré en mars, selon La Repubblica.