(Rome et Milan) Le chef du gouvernement italien Mario Draghi a présenté lundi au Parlement son plan de relance de 222,1 milliards d’euros qui met selon lui en jeu « la crédibilité » du pays, au moment où les bars, restaurants, cinémas et salles de spectacles rouvraient partiellement.

À travers ce plan financé par l’Union européenne, l’Italie joue son « destin », sa « crédibilité » et sa « réputation » en « tant que fondateur de l’Union européenne et protagoniste du monde occidental », a-t-il déclaré solennellement.

« Nous sommes convaincus que nous réussirons à mettre en œuvre ce plan ! », a-t-il lancé sous les applaudissements des députés. « Je suis certain que l’honnêteté, l’intelligence et le goût de l’avenir l’emporteront sur la corruption, la bêtise et les intérêts particuliers ».

Alors que le plan de relance italien doit être présenté à Bruxelles d’ici vendredi, la péninsule se déconfine et espère retrouver un semblant de normalité après des mois d’alternance entre fermetures drastiques et timides ouvertures.

Une grande majorité de la vingtaine de régions sont désormais classées en jaune, le niveau le plus bas de risque face à la pandémie. Les bars et restaurants y sont autorisés à servir en terrasse, et aussi le soir, pour la première fois depuis six mois, même si le couvre-feu débutant à 22 h reste toujours en vigueur.

Au total, près de 140 000 bars, restaurants, pizzerias et gîtes ruraux devaient rouvrir lundi, selon le syndicat agricole Coldiretti.

Les cinémas, théâtres et salles de concert peuvent accueillir du public à hauteur de 50 % de leurs capacités. Viendront ensuite les piscines, salles de gym et parcs de divertissement d’ici le 1er juillet.

« J’ai un carnet de bal bien rempli, avec des visites de musées, des restaurants et des bars, des fêtes ! », s’est réjoui Ottavio Rosati, réalisateur de 71 ans, attablé en terrasse d’un restaurant romain.

Plus sceptique, Maria Malatesta, enseignante de 63 ans, juge que les Italiens « sont un peu légers », mais se dit « favorable à ces réouvertures, parce que l’économie doit reprendre ».

Cinéma dès l’aube

Fermé depuis six mois, le cinéma Beltrade à Milan (Nord) a été le premier du pays à ouvrir ses portes dès 6 h (0 h HE), accueillant 82 clients qui ont commencé à faire la queue dès 5 h 20 pour voir Journal intime de Nanni Moretti.

« Ce sont des fous bien sympathiques. Regarder un film sur grand écran c’est autre chose que de le voir depuis son canapé », a commenté sa propriétaire, Monica Naldi.

M. Draghi a subi les pressions des dirigeants des régions et de plusieurs manifestations en faveur d’un assouplissement des restrictions anti-COVID-19.

L’ex-président de la Banque centrale européenne a reconnu qu’il prenait un « risque calculé » alors que l’Italie continue d’enregistrer en moyenne plus de 300 morts chaque jour, même si les contagions et le nombre d’admissions en réanimation diminuent.

La campagne vaccinale a atteint un rythme de croisière avec environ 350 000 doses administrées chaque jour.

« Il est clair que si la réouverture progressive est interprétée comme un “retour à la vie d’avant”, un nouveau pic de contagions pourrait compromettre la saison estivale », a mis en garde Nino Cartabellotta, spécialiste des questions de santé publique.

Fossé Nord-Sud

L’Italie, premier pays européen durement frappé par la pandémie début 2020, a perdu près d’un million d’emplois et subi une chute de son PIB de 8,9 % en 2020.

La troisième économie de la zone euro compte sur le mégaplan de relance européen doté de 750 milliards d’euros pour revigorer son économie.  

L’Italie en est le principal bénéficiaire avec 191,5 milliards d’euros de prêts et subventions. À ce montant s’ajoute un fonds complémentaire de 30,6 milliards d’euros programmé par l’Italie sur six ans.

Un premier « feu vert » de Bruxelles au plan italien est intervenu samedi, a annoncé Mario Draghi après un entretien téléphonique avec la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen.

Parmi les priorités affichées figurent la rénovation d’infrastructures vieillissantes (autoroutes, voies ferrées…), les énergies renouvelables (hydrogène…), l’internet à haut débit et la numérisation des entreprises et des administrations.

Un autre objectif sera de combler le fossé entre le Nord et le Sud de la péninsule, tout en venant au secours des jeunes et des femmes, particulièrement affectés par la crise.

Mario Draghi met aussi l’accent sur l’importance de s’attaquer à des problèmes déjà présents avant la pandémie, comme la lourdeur de la bureaucratie italienne ou la lenteur légendaire de la justice du pays.