(Paris) À peine ouvert à Paris, le procès des dépenses excessives de la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy en 2012 a été renvoyé mercredi au 20 mai, en raison de l’hospitalisation de l’avocat d’un des prévenus.

C’est la seconde fois en quinze jours que l’ex-président français se retrouve devant la justice. Le 1er mars, il était devenu le premier ex-président de la Ve République à être condamné à trois ans d’emprisonnement, dont un ferme, pour corruption et trafic d’influence dans l’affaire dite « des écoutes ».

Prévenu le plus attendu du procès, Nicolas Sarkozy ne s’est pas présenté à l’audience en raison de la demande de renvoi, a-t-il fait savoir.

À l’origine de la demande de renvoi, Jérôme Lavrilleux — à l’époque directeur adjoint de la campagne —, dont l’avocat, Me Christian Saint-Palais, est atteint de la COVID-19 et hospitalisé.

« Je n’ai jamais, au cours de cette instruction, voulu la retarder par un recours. Mais là, je suis désemparé », a expliqué, la voix nouée, M. Lavrilleux.

Le procès, initialement prévu du 17 mars au 15 avril, se tiendra jusqu’au 22 juin, a décidé le tribunal.

Jérôme Lavrilleux est un protagoniste central de cette affaire qui a causé des déflagrations en cascade à droite, et le premier à avoir avoué sa participation à une vaste escroquerie à base de fausses factures, visant à attribuer au parti UMP (devenu depuis Les Républicains) les dépenses excessives de la campagne Sarkozy.

À l’audience, l’avocat historique de Nicolas Sarkozy, Thierry Herzog, a fait passer au tribunal un courrier expliquant que son client avait été « informé de la demande de renvoi » et, de ce fait, « n’entendait pas être présent ».

M. Sarkozy encourt dans le dossier Bygmalion, du nom de l’agence de communication liée à l’UMP, un an d’emprisonnement et 3750 euros d’amende.

Contrairement à ses 13 co-prévenus — anciens cadres de Bygmalion et de l’UMP, experts-comptables renvoyés notamment pour escroquerie ou complicité —, M. Sarkozy n’est pas mis en cause pour le système de fausses factures imaginé pour masquer les dépenses excessives de sa campagne.

Mais, selon l’accusation, Nicolas Sarkozy a laissé filer les dépenses malgré plusieurs alertes claires sur les risques de dépassement de plafond et il a « incontestablement » bénéficié de la fraude qui lui a permis de disposer de « moyens bien supérieurs » à ce qu’autorisait la loi : au moins 42,8 millions au total, soit près du double du plafond légal à l’époque (22,5 millions d’euros).

Campagne « éclair »

L’enquête décrit une campagne qui se voulait d’abord « éclair » pour le président sortant. On avait prévu seulement une quinzaine d’assemblées électorales, dont trois ou quatre grands rassemblements.

Mais la machine s’emballe : « moyens techniques les plus en pointe » pour la scène, le son et l’éclairage, « mise en scène grandiose et millimétrée » pour les grandes asemblées… les prix n’en finissent plus de grimper.

Et alors que les premières alertes de risques de dépassement tombent, le candidat demande au contraire qu’on accélère le rythme. Il y aura au total plus de 40 assemblées électorales.

Pour éviter au candidat de devoir reconnaître publiquement que ses dépenses avaient dérivé « de manière spectaculaire », « avec les conséquences politiques et financières » qui s’en seraient suivies, il a été décidé de « purger » le compte de campagne, soutient l’accusation.

Grâce à un système de double facturation, le prix des assemblées électorales est radicalement réduit et le reste est facturé à l’UMP, au nom de conventions fictives du parti.

Le procès risque de rallumer une guerre fratricide au sein de la droite française, le camp sarkozyste et les proches de Jean-François Copé, alors patron de l’UMP, se rejetant mutuellement la responsabilité de la fraude.

Jamais mis en cause, Jean-François Copé sera entendu au procès comme simple témoin. Certains avocats dont celui de M. Sarkozy n’ont pas manqué mercredi de l’égratigner en laissant entendre que l’ancien secrétaire général de l’UMP était forcément au courant des comptes calamiteux de son parti.

« Je continue à me demander où est passé l’argent », avait dit Nicolas Sarkozy devant les enquêteurs, estimant que le prix moyen de ses assemblées électorales était « en ligne » avec ceux de son opposant François Hollande, qui a remporté l’élection en 2012.