(Montauban) La France, l’Allemagne, l’Italie, l’Espagne, le Portugal et la Slovénie ont suspendu l’utilisation du vaccin AstraZeneca jusqu’à un avis européen mercredi.

La France a décidé lundi de « suspendre par précaution » l’utilisation du vaccin AstraZeneca, en attendant un avis de l’autorité européenne du médicament qui sera rendu mardi, a annoncé Emmanuel Macron.

Un rapport de l’EMA attendu mercredi

Le chef de l’État a dit « espérer reprendre vite » la vaccination avec ce sérum « si l’avis de l’autorité européenne le permet », alors que plusieurs pays européens ont eux aussi suspendu ce vaccin.

« L’Autorité européenne, l’EMA, rendra demain après-midi un avis sur le recours à ce vaccin […] la décision qui a été prise en conformité aussi avec notre politique européenne est de suspendre par précaution la vaccination avec AstraZeneca en espérant la reprendre vite si l’avis de l’EMA le permet », a déclaré le chef de l’État lors d’une conférence de presse avec le premier ministre espagnol Pedro Sanchez, à l’issue d’un sommet franco-espagnol.

L’agence du médicament italienne, AIFA, a elle aussi « décidé à titre de précaution et de manière provisoire, dans l’attente d’une décision de l’EMA d’interdire l’utilisation du vaccin AstraZeneca sur tout le territoire national ».

« Cette décision a été prise en ligne avec des mesures similaires adoptées par d’autres pays européens », précise l’AIFA dans un communiqué.

L’Espagne aussi

L’Espagne a pris à son tour, lundi en fin de journée, la décision de suspendre à titre de précaution l’injection du vaccin d’AstraZeneca contre la COVID-19 après le signalement d’effets secondaires.

Lors d’une conférence de presse, la ministre de la Santé Carolina Darias a fait part de la décision du gouvernement de « suspendre de façon préventive et temporaire l’administration du vaccin d’AstraZeneca », le temps que l’Agence européenne des médicaments (EMA) se prononce sur les craintes liées à des caillots sanguins, ce qui est attendu pour jeudi.

Plus tôt lundi, l’Allemagne avait suspendu l’utilisation du vaccin AstraZeneca « à titre préventif » après le signalement d’effets secondaires, a annoncé lundi le ministère de la Santé.

L’institut médical Paul-Ehrlich, qui conseille le gouvernement, « estime que d’autres examens (sont) nécessaires », après des cas de formation de caillots sanguins chez des personnes vaccinées en Europe, a précisé un porte-parole du ministère. Plusieurs pays ont déjà pris une telle mesure.

Cette décision de suspension intervient « après de nouvelles informations concernant des thromboses de veines cérébrales en lien avec la vaccination en Allemagne et en Europe », selon la même source.

En fin de journée, le Portugal et la Slovénie se sont joints aux autres pays européens ayant déclaré une pause dans l’administration du vaccin AstraZeneca.

Ces décisions en cascade suivent l’annonce par la Norvège du décès d’une soignante récemment vaccinée, dimanche.

10 cas possibles de caillots sanguins aux Pays-Bas

Par ailleurs, dix cas d’effets secondaires potentiellement liés au vaccin AstraZeneca contre le coronavirus, dans lesquels la formation de caillots sanguins a pu jouer un rôle, ont été signalés aux Pays-Bas, sans lien avéré à ce stade, a déclaré lundi un centre néerlandais de surveillance des médicaments.

Le ministère néerlandais de la Santé a annoncé dimanche suspendre pour deux semaines l’utilisation du vaccin développé par le laboratoire suédo-britannique AstraZeneca et l’université d’Oxford, après le signalement de cas de caillots sanguins notamment au Danemark et en Norvège.

Le centre Lareb, qui est chargé d’identifier les risques liés à l’utilisation des médicaments aux Pays-Bas, a indiqué lundi avoir « reçu dix signalements sur le vaccin AstraZeneca, dans lesquels la thrombose ou l’embolie peuvent avoir joué un rôle ».

Aucun cas de diminution du nombre de plaquettes n’a été rapporté pour le moment, a fait savoir Lareb dans un communiqué.

Le ministère de la Santé avait précédemment déclaré qu’aucun cas de caillots sanguins n’était actuellement connu aux Pays-Bas.

« Par précaution »

Le ministre de la Santé Hugo de Jonge a estimé dimanche qu’il était « sage d’appuyer maintenant sur le bouton pause par précaution ».

« La question cruciale est de savoir s’il s’agit de plaintes après vaccination ou en raison de la vaccination. Il ne devrait y avoir aucun doute sur les vaccins », a-t-il expliqué, cité dans un communiqué.

Près de 289 000 rendez-vous pour l’administration d’une dose du vaccin AstraZeneca ont dû être annulés en conséquence, a rapporté l’agence de presse néerlandaise ANP.

La suspension du vaccin AstraZeneca est un coup dur pour la campagne de vaccination néerlandaise, qui s’est accélérée ces dernières semaines après un lent démarrage.

Une dizaine de pays dont l’Allemagne, dernière en date, ont suspendu par précaution l’utilisation du vaccin AstraZeneca, après le signalement d’effets secondaires « possibles », mais sans lien avéré à ce stade.

Les Pays-Bas ont été le dernier pays de l’UE à lancer leur campagne de vaccination. Le pays a jusqu’à présent recensé plus de 1,1 million de cas de coronavirus, et 16 000 décès, selon les derniers chiffres officiels.

Vaccin AstraZeneca : une série de déboires et de critiques

Depuis son élaboration, le vaccin de la firme anglo-suédoise AstraZeneca, mis au point par des chercheurs de l’université d’Oxford, accumule déboires et critiques.

Essais perturbés

Le 9 septembre 2020, une « pause » est annoncée dans les essais cliniques de ce vaccin élaboré à partir d’un adénovirus du chimpanzé, après l’apparition d’une maladie non expliquée chez un volontaire.

Après analyses et vérifications, les essais de phase 3 réalisés sur des dizaines de milliers de volontaires au Royaume-Uni et dans d’autres pays reprennent quelques jours plus tard.

Erreur de dosage

Dans des résultats intermédiaires, le laboratoire annonce en novembre que son vaccin est en moyenne efficace à 70 % contre plus de 90 % pour ceux de Pfizer-BioNTech et Moderna.

Mais son efficacité est de 90 % chez les volontaires ayant reçu une demi-dose, puis une dose complète un mois plus tard. Elle n’est que de 62 % chez ceux ont reçu les deux doses réglementaires.

L’injection d’une demi-dose était une erreur, ce qui suscite critiques, inquiétudes, méfiance et pousse le laboratoire à effectuer une étude supplémentaire pour vérifier les résultats.

Réticences européennes

Approuvé le 30 décembre par l’agence britannique du médicament (MHRA), ce vaccin peu coûteux, facile à stocker et à transporter, commence à être massivement utilisé en janvier au Royaume-Uni.

Au sein de l’Union européenne, il suscite plus de méfiance : l’efficacité du vaccin chez les plus de 65 ans est questionnée et plusieurs pays suspendent temporairement les injections chez les seniors avant que de nouvelles études viennent lever les incertitudes.

Une étude menée en Angleterre a notamment montré une protection entre 60 % et 73 % contre les formes symptomatiques chez les plus de 70 ans avec une seule dose.

Retards de livraisons

Sur le continent européen, les retards de livraison du vaccin suscitent de fortes critiques alors que l’entreprise fournit au Royaume-Uni les doses promises (Londres en a commandé au total 100 millions).

La firme avoue en janvier ne pouvoir livrer au premier trimestre qu’un tiers des 120 millions de doses promises aux 27 États membres de l’UE.

La présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen hausse le ton, soulignant qu’AstraZeneca a livré « moins de 10 % » des doses commandées entre décembre et mars. Est mis en place un mécanisme européen de contrôle des exportations de vaccins produits dans l’UE.

Première application de ce mécanisme, l’Italie annonce le 5 mars avoir bloqué l’exportation vers l’Australie de 250 000 doses de vaccin AstraZeneca, arguant d’une « pénurie persistante » et des « retards d’approvisionnement » sur son sol.

Dimanche, le géant pharmaceutique a annoncé une nouvelle réduction de ses livraisons à l’Union européenne, invoquant des restrictions d’exportations.

Allergies sévères

L’EMA annonce le 12 mars que des allergies sévères devraient être ajoutées à la liste des effets secondaires possibles du vaccin AstraZeneca après l’identification de réactions de ce type au Royaume-Uni.

Cette annonce fait suite à « l’examen de 41 rapports d’anaphylaxie (réaction allergique aiguë, NDLR) possible observés parmi environ 5 millions de vaccinations au Royaume-Uni », a expliqué l’agence basée à Amsterdam.

Caillots sanguins suspects

Après des suspensions ciblées de lots du vaccin dans certains pays, le Danemark suspend le 11 mars le vaccin à la suite de « rapports de cas graves de formation de caillots sanguins » chez des personnes vaccinées.

Depuis une douzaine de pays, dont la France, l’Italie et l’Allemagne lundi, lui ont emboîté le pas par précaution, après le signalement d’effets secondaires « possibles » mais sans lien avéré à ce stade.

La France a précisé attendre un avis de l’autorité européenne du médicament qui sera rendu mardi.

Le groupe pharmaceutique anglo-suédois affirme de son côté qu’il n’y a « aucune preuve de risque aggravé » de caillot sanguin entraîné par son vaccin, tandis que l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a estimé vendredi qu’il n’y avait « pas de raison de ne pas utiliser » ce vaccin.