(Paris) Face à une deuxième vague qui déferle, poussant le nombre de cas de COVID-19 depuis le début de l’épidémie au-dessus de la barre symbolique d’un million, la France étend le couvre-feu qui va toucher à partir de vendredi minuit plus des deux tiers de la population.

23 h 50 dans un restaurant de Strasbourg. Au fond de l’établissement, un touriste américain qui terminait son dîner avec trois amis s’agite. Il ne sait pas très bien comment rentrer chez lui : il n’avait qu’une vague idée de ce que les annonces du gouvernement impliquaient. « On va essayer de prendre un taxi, et sinon, on marchera vite. Je pense qu’on ferait mieux d’y aller… ».

« On est obligé de faire ça », a expliqué le président Emmanuel Macron, alors qu’un nouveau record de 42 032 cas de COVID-19 a été atteint en 24 heures vendredi, portant le total à 1 041 075 cas confirmés depuis le début de l’épidémie en mars.

Signe que celle-ci galope, le taux de positivité des tests ne cesse de grimper, atteignant 15,1 % contre 14,3 % la veille, contre seulement 4,5 % début septembre. Le bilan s’alourdit aussi chaque jour, avec 298 nouveaux décès, portant le total à au moins 34 508 morts.

« Dans la phase où nous sommes, nous n’avons d’autre choix, compte tenu du nombre d’infections par jour, que de réduire notre vie sociale au maximum […] si on veut vraiment préserver notre système de santé et nos concitoyens », a expliqué Emmanuel Macron après une rencontre avec les équipes du centre hospitalier René-Dubos de Pontoise (Val-d’Oise).  

Pour le chef de l’État « il est trop tôt aujourd’hui pour dire si on va vers des reconfinements locaux ou plus larges », car il faut attendre « le milieu de la semaine prochaine (pour avoir) une vision plus claire de l’impact des mesures » prises. Mais en tout état de cause, il faudra vivre avec le virus « au mieux jusqu’à l’été 2021 », a-t-il averti.

Le premier ministre Jean Castex avait déjà prévenu jeudi en annonçant l’extension du couvre-feu à 38 nouveaux départements que si l’épidémie n’était pas jugulée, le gouvernement devrait « envisager des mesures beaucoup plus dures ». À partir de la nuit de vendredi à samedi, ce sont 46 millions de Français qui vont être concernés, y compris dans certaines zones rurales à faible densité de population.

La plus haute juridiction administrative du pays, le Conseil d’État, saisie en urgence, a validé vendredi l’imposition du couvre-feu, estimant qu’il ne portait pas « une atteinte manifestement illégale aux libertés fondamentales ».

Pour la suite « tout est sur la table », a estimé vendredi sur BFM TV le Pr Arnaud Fontanet, membre du Conseil scientifique qui guide le gouvernement, expliquant que « le virus circule plus vite qu’au printemps », mais qu’il s’agit « exactement » du même coronavirus, avec « la même distribution d’âge » et « les mêmes symptômes ».

Un confinement « général, je n’espère pas parce qu’on fait tout pour l’éviter, local ça fait partie des options », a poursuivi l’épidémiologiste.

Nettoyer la boue

« Il y a eu la perception, depuis quelques mois, que soit la deuxième vague n’existait pas, soit que c’était une vaguelette. La situation est l’inverse : il est possible que la deuxième vague soit pire que la première », a estimé Martin Hirsch, directeur général de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP), sur RTL.

L’âge médian des personnes malades de la COVID-19 et admises en réanimation dans les hôpitaux de l’AP-HP est de 62 ans, a-t-il précisé.

La situation dans l’établissement visité par M. Macron est encore « gérable », avec 10 des 25 lits de réanimation occupés par des malades de la COVID-19, a expliqué le Pr Devaud. « Mais cela s’accélère au niveau national de manière inquiétante », a estimé le médecin.

Au total, 54 départements, en plus de la Polynésie, seront désormais soumis à un couvre-feu nocturne qui s’appliquera de 21 h à 6 h avec des amendes à la clé en cas de non-respect.

Ces mesures vont peser sur l’économie, a averti vendredi sur Europe 1 le ministre de l’Économie Bruno Le Maire, avec la possibilité « d’avoir un chiffre de croissance négatif » au quatrième trimestre.

Pour tenter d’amortir les conséquences économiques, les mesures de soutien seront étendues à tous les départements concernés, pour « un coût global d’un peu plus de 2 milliards d’euros », a-t-il indiqué.

Les acteurs du spectacle vivant et du cinéma, particulièrement touchés par le couvre-feu, ont appris jeudi qu’ils recevraient respectivement 85 millions et 30 millions d’euros d’aides supplémentaires pour traverser la crise.

PHOTO DAMIEN MEYER, AGENCE FRANCE-PRESSE

La nouvelle version de l’application française de « traçage » du virus, rebaptisée Tous anti-Covid

État d’urgence sanitaire prolongé

Face à la résurgence épidémique, le gouvernement a également relancé la nouvelle version de l’application de « traçage » du virus, rebaptisée « Tous anti-Covid ». Elle remplace StopCovid qui avait été téléchargée seulement 2,6 millions de fois depuis début juin.

Son lancement jeudi a été perturbé par « un trop grand afflux de personnes en même temps sur l’application », empêchant son chargement, mais ces problèmes ont été résolus, a affirmé vendredi le secrétaire d’État chargé du Numérique, Cédric O sur France 2.

L’exécutif a par ailleurs adopté en Conseil des ministres un projet de loi pour prolonger l’état d’urgence sanitaire jusqu’au 16 février 2021 inclus.

Nécessitant un vote au Parlement, il sera examiné dès samedi à l’Assemblée nationale.

L’exécutif entend aussi pouvoir appliquer des mesures de restrictions de circulation, de rassemblements ou d’ouvertures des établissements au moins jusqu’au 1er avril 2021, sur tout ou partie du territoire et en fonction de la situation épidémique, selon le texte.