(Paris) La France rend mercredi un hommage national à Samuel Paty, le professeur d’histoire décapité vendredi dans un attentat qui a bouleversé la population, tandis que sept personnes dont deux mineurs sont présentées dans la journée à un juge pour « complicité d’assassinat terroriste ».

Parmi ces sept suspects, deux mineurs de 14 et 15 ans sont accusés d’avoir désigné l’enseignant à Abdoullakh Anzorov, le meurtrier, un jeune réfugié d’origine russe tchétchène, en échange de « 300 à 350 euros », a dit le procureur antiterroriste, Jean-François Ricard.

Selon le procureur, Abdoullakh Anzorov, qui a tué l’enseignant en pleine rue, avait raconté aux deux premiers collégiens qu’il voulait « humilier et frapper » Samuel Paty et « l’obliger à demander pardon » pour avoir montré des caricatures du prophète Mahomet.

« Poursuivre de jeunes mineurs dans un dossier terroriste n’est pas une chose inédite mais interroge », a commenté le procureur.

Parmi les autres suspects déférés devant la justice figure Brahim C. un parent d’élève qui avait posté des vidéos appelant à la vindicte populaire contre l’enseignant. Le père de famille lui reprochait notamment d’avoir montré des caricatures de Mahomet en classe.

Quelques jours après la diffusion des vidéos, Samuel Paty était assassiné par Abdoullakh Anzorov lui-même ensuite abattu par la police.

Brahim C. est accusé, tout comme le militant islamiste Abdelhakim Sefrioui, d’avoir « nommément désigné le professeur comme cible sur les réseaux sociaux ».

Les enquêteurs des services de lutte antiterroriste s’intéressent aussi à des messages échangés sur WhatsApp entre ce père de famille et l’assaillant.

Trois amis du meurtrier, dont l’un soupçonné de l’avoir convoyé et un autre de l’avoir accompagné au moment de l’achat de son arme, seront aussi entendus par un juge.

Dans un message audio en russe, dont l’AFP a eu connaissance et authentifié par une source proche du dossier, Abdoullakh Anzorov dit avoir « vengé le prophète » Mahomet, reprochant au professeur de l’avoir « montré de manière insultante ».

Le jeune homme est essoufflé dans ce message ponctué de références au Coran. « Frères, priez pour qu’Allah m’accepte en martyr », lâche-t-il, dans des propos traduits par l’AFP.

Offensive contre l’islamisme

Neuf autres personnes gardées à vue ont été relâchées dans la nuit de mardi à mercredi, parmi lesquelles trois collégiens, les parents, le grand-père, le petit frère du meurtrier et la compagne de M. Sefrioui.

L’émotion est toujours vive en France : à 19 h 30 (13 h 30 heure de Montréal), un hommage national présidé par Emmanuel Macron doit être rendu à Samuel Paty, dans la cour de la célèbre université parisienne de la Sorbonne, un lieu symbolique de l’enseignement.

Le professeur devrait recevoir la Légion d’honneur à titre posthume.

Après l’arrivée du cercueil, un chant sera interprété par l’orchestre de la Garde républicaine et deux textes seront lus par des élèves et des enseignants. Le chef de l’État prononcera ensuite un bref discours, suivi d’une minute de silence.

Parallèlement, l’exécutif continue son offensive tous azimuts contre les personnes et structures soupçonnées d’accointances avec les islamistes, Emmanuel Macron ayant promis mardi d’« intensifier les actions ».

Fermeture d’une mosquée

Dans le viseur des autorités notamment, le collectif propalestinien Cheikh Yassine, créé par Abdelhakim Sefrioui et dissous mercredi en conseil des ministres.

Le mouvement islamiste palestinien Hamas a fait savoir dans un communiqué qu’il n’avait « aucun lien avec » cette organisation et encore moins avec son chef.

Une cinquantaine d’autres associations françaises jugées proches de « l’islamisme radical » pourraient être fermées.

La mosquée de Pantin, au nord de Paris, qui rassemble plus de 1300 fidèles, va fermer ses portes mercredi soir pour six mois. Ses responsables sont accusés d’avoir relayé sur Facebook la vidéo du parent d’élève.

Les autorités françaises ont promis « une guerre contre les ennemis de la République ». « La question n’est pas de savoir s’il y aura un attentat, mais quand », a martelé le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin.

Cet assassinat s’inscrit dans un « contexte d’appels aux meurtres » lancés depuis la republication des caricatures de Mahomet par Charlie Hebdo début septembre avant l’ouverture du procès sur les attentats de janvier 2015 dans la capitale française, selon M. Ricard.

Il a par exemple évoqué une attaque au hachoir perpétrée le 25 septembre devant les anciens locaux du journal satirique et « trois communications » d’Al-Qaïda et de sa branche yéménite qui incitaient au « meurtre » des personnes à l’origine de la rediffusion de ces dessins.

« Une quinzaine d’enquêtes » pour des faits d’« apologie du terrorisme », de « menaces de mort » ou de « provocation » au crime ont été ouvertes depuis l’assassinat du professeur, a par ailleurs annoncé le parquet de Paris.