(Moscou) Des moments de « désespoir » et des jambes « tremblantes » : l’opposant russe Alexeï Navalny est revenu samedi sur sa convalescence et ses moments difficiles pour réapprendre à s’exprimer et à marcher dans l’hôpital berlinois où il est soigné pour son empoisonnement présumé avec un agent neurotoxique.

« Je vais vous raconter comment se déroule mon rétablissement. Il n’y a plus d’obstacles sur ma route, mais elle sera encore longue », a-t-il écrit dans un message sur Instagram assorti d’une photo le montrant debout, en jogging, en train de descendre un escalier.

Le 20 août, ce féroce critique du Kremlin avait été victime d’un malaise à bord d’un avion le ramenant à Moscou depuis la Sibérie.  

Après avoir passé deux jours dans un hôpital russe malgré les protestations de ses proches, il avait été transporté en Allemagne et hospitalisé dans le coma à Berlin.

Un laboratoire militaire allemand a conclu début septembre à son empoisonnement par un poison neurotoxique de type Novitchok, conçu à des fins militaires à l’époque soviétique, ce que Moscou réfute, tandis que les conclusions allemandes ont été confirmées par des laboratoires suédois et français.

« Où trouver les mots ? »

« Mes problèmes actuels – le fait qu’un téléphone soit aussi inutile qu’une pierre dans mes mains ou que cela devienne un spectacle quand je me sers de l’eau – sont des broutilles », a indiqué Alexeï Navalny, samedi sur Instagram.

Car il y a encore « peu de temps », le militant anticorruption raconte qu’il ne « reconnaissait personne » et ne pouvait répondre au médecin qui venait l’aider à s’exprimer chaque matin.

AP

Photo tirée du compte Instagram d'Alexeï Navalny.

« Cela me désespérait, car je comprenais ce que voulait le docteur, mais je ne savais pas où trouver les mots », décrit M. Navalny. Désormais, il dit retrouver progressivement l’usage de son cerveau.

« Je suis maintenant un gars qui a les jambes qui tremblent quand il prend l’escalier, mais qui se dit en revanche “Voici un escalier ! On s’en sert pour monter, mais je ferais mieux de trouver un ascenseur ».

« Avant je serais resté debout à regarder bêtement dans le vide », ajoute l’opposant de 44 ans, remerciant les médecins de l’avoir fait passer d’« un homme techniquement vivant » à une personne ayant « toutes les chances » de pouvoir à nouveau utiliser adroitement Instagram.

Pas d’enquête en Russie

Mardi, Alexeï Navalny avait déjà fait preuve d’humour dans son premier message publié depuis son malaise : il y annonçait avoir pu respirer seul, sans assistance, pendant toute une journée.

« Ça m’a beaucoup plu, c’est un procédé étonnant et sous-estimé par beaucoup. Je le recommande », avait-il commenté avec ironie, publiant une photo le montrant assis sur son lit d’hôpital en compagnie de son épouse et de ses enfants.

Pour l’heure, les autorités russes n’ont pas ouvert d’enquête sur cette affaire, malgré les appels en ce sens et les menaces de sanctions européennes.

Le Kremlin, par la voix de son porte-parole, s’est dit jeudi « limité » pour enquêter, faute d’avoir accès à des indices sortis de Russie et aux analyses effectuées en Allemagne.

De leur côté, les partisans de M. Navalny soutiennent que l’agent innervant de type Novitchok, identifié en Allemagne comme le poison utilisé contre l’opposant, a été détecté sur une bouteille qu’ils avaient retrouvée dans sa chambre d’hôtel, le jour des faits, fin août, à Tomsk en Sibérie.

Ils ont expliqué avoir pris cette bouteille et d’autres indices et les avoir emportés en Allemagne, car ils étaient convaincus que les autorités russes n’enquêteraient pas.