(Moscou) Contesté dans la rue depuis plus d’un mois, le président biélorusse Alexandre Loukachenko sera en Russie lundi pour rencontrer son homologue Vladimir Poutine, le Kremlin affirmant que « l’intégration » des deux pays sera au programme des discussions.

Alors qu’Alexandre Loukachenko se prépare pour son premier déplacement à l’étranger depuis le début de la crise, Washington a de son côté affirmé vendredi préparer pour « d’ici quelques jours » des sanctions contre des personnalités biélorusses, ajoutant que Moscou prenait un gros risque en soutenant le chef d’État au pouvoir depuis 26 ans.

Le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, a affirmé vendredi être « profondément inquiet » face au recours à la force en Biélorussie contre des manifestants pacifiques, en soulignant que la crise ne pouvait être résolue que « par le peuple biélorusse ».

De son côté, l’Union européenne a déploré dans un communiqué vendredi soir « le mépris de plus en plus évident pour le droit affiché en Biélorussie, en particulier l’escalade de la violence et l’exil forcé » de membres de l’opposition.

Selon un communiqué du Kremlin, la rencontre de lundi à Sotchi (Sud) entre MM. Poutine et Loukachenko servira à évoquer « les perspectives du processus d’intégration » entre les deux capitales.

« Le développement futur du partenariat stratégique et des relations d’alliance » entre les deux pays sera aussi discuté, selon un communiqué du Kremlin, même si le porte-parole de Vladimir Poutine a affirmé qu’aucun document ne serait signé.

S’il accusait Moscou avant le scrutin de vouloir « déstabiliser » son pays, Alexandre Loukachenko a depuis effectué un virage à 180 degrés et s’est beaucoup rapproché de son voisin face aux manifestations monstres qui touchent son pays, provoquées selon lui par les Occidentaux.

Ce rapprochement a été accueilli avec bienveillance par la Russie, qui n’a de cesse de dénoncer les ingérences occidentales en Biélorussie.

Sanctions américaines

« Si le Kremlin continue dans cette voie, il risque de voir le peuple biélorusse, qui n’a aucun grief contre la Russie, se dresser contre Moscou », a cependant mis en garde vendredi le numéro deux du département d’État américain, Stephen Biegun, tout en annonçant de nouvelles sanctions en liaison avec l’Union européenne (UE).

Mais pour le politologue Konstantin Kalatchev, « la Russie va essayer de pleinement monétiser son soutien à Loukachenko : il n’a plus aucune marge de manœuvre, il est complètement dépendant de la Russie » pour sa survie politique.

Évoquant un renforcement des liens « politiques, économiques et militaires », l’expert estime que le Kremlin va désormais chercher à « rattacher la Biélorussie et la Russie pour des décennies, voire des siècles ».

Moscou et Minsk ont des relations compliquées depuis plusieurs années.

Alexandre Loukachenko a accusé à de multiples reprises son allié historique russe de vouloir vassaliser la Biélorussie, rejetant l’idée russe d’un approfondissement de l’union politique et économique existant entre les deux pays.

Le mouvement de contestation qui touche la Biélorussie depuis l’élection présidentielle du 9 août, que M. Loukachenko clame avoir remporté avec 80 % des voix, a été l’occasion d’un changement de ton complet et le président biélorusse se présente désormais comme le dernier rempart de la Russie face aux ambitions occidentales.

Pas une lutte « anti-russe »

C’est dans ce contexte que l’ambassadeur russe à Minsk, Dmitri Mezentsev, a offert jeudi à Alexandre Loukachenko un atlas du XIXe siècle dans lequel la Biélorussie fait partie de l’Empire tsariste russe : un témoignage historique des relations unissant les deux pays et « une réponse à ceux qui pensent autrement », a expliqué l’ambassadeur.

Les figures de l’opposition biélorusse, pour la plupart arrêtées ou exilées ces dernières semaines, ont pour leur part insisté sur le fait que leur mouvement était dirigé contre M. Loukachenko et n’était ni anti-russe, ni pro-occidental.

La candidate d’opposition qui revendique la victoire à la présidentielle, Svetlana Tikhanovskaïa, a ainsi enregistré mercredi une adresse vidéo aux Russes assurant que la contestation « n’a été à aucune étape une lutte contre la Russie ».

Vendredi, deux manifestants biélorusses, dont l’un affirme qu’il était recherché depuis plusieurs jours par la police, ont cherché refuge à l’ambassade de Suède à Minsk, dont ils ont escaladé une barrière pour y accéder.

Ils « ont indiqué qu’ils souhaitaient demander l’asile en Suède », a indiqué une porte-parole du ministère suédois des Affaires étrangères, l’affaire ayant provoqué un attroupement avec la présence de nombreux policiers.

Une nouvelle grande manifestation de l’opposition biélorusse est attendue dimanche à Minsk, la cinquième du genre. Les précédentes ont rassemblé au moins 100 000 personnes pour réclamer le départ du pouvoir en place.