Des milliers de migrants qui vivaient dans un camp controversé situé dans l’île de Lesbos, en Grèce, se sont retrouvés sans abri mercredi à la suite d’un incendie dévastateur.

« La situation est très difficile », a commenté en entrevue une porte-parole du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) à Athènes, Stella Nanou.

Elle attribue à l’intervention rapide des pompiers et des forces de sécurité le fait qu’aucun blessé grave n’a été signalé parmi les 12 000 occupants du camp de Moria.

PHOTO PETROS GIANNAKOURIS, ASSOCIATED PRESS

Les dommages sont considérables.

Du personnel et du matériel, dont des tentes, ont été envoyés par l’organisation internationale en appui aux autorités grecques, qui ont imputé le feu à l’action de migrants en colère.

Le ministre des Migrations, Notis Mitarachi, a indiqué, selon l’Agence France-Presse, que les migrants voulaient protester par leur action contre les restrictions de mouvement sévères mises en place récemment après la détection d’un premier cas de COVID-19 dans le camp. Il a précisé que de nombreux foyers s’étaient déclarés dans la nuit de mardi à mercredi.

Les risques de transmission du virus dans la communauté grecque locale, déjà touchée par la pandémie, ont alimenté les tensions avec les résidants de villages voisins et contribué à des altercations avec des migrants qui cherchaient à rejoindre la ville de Mitylène après l’incendie.

Nous avons demandé à tout le monde de conserver son calme et aux résidants du camp de rester à proximité en attendant que des solutions puissent être trouvées.

Stella Nanou, porte-parole du Haut-Commissariat pour les réfugiés

Des centaines d’enfants non accompagnés vivant à Moria ont notamment été réunis mercredi dans un bâtiment servant à des fins éducatives.

Ils seront ultimement transférés en Grèce continentale sur décision des autorités européennes, qui ont exprimé leur « profonde tristesse » relativement à l’incendie et souligné leur volonté d’agir pour « assurer la sécurité de ceux qui se retrouvent sans abri ».

La Commission européenne chapeaute depuis plusieurs mois un programme visant à répartir à terme 2000 mineurs dans plusieurs pays du continent.

Mme Nanou a dit espérer que le programme sera élargi pour englober d’autres migrants « vulnérables » et alléger la pression sur la Grèce. Le pays « ne peut pas s’en sortir seul », a indiqué la porte-parole du HCR.

Déchirements des pays européens

L’incendie du camp de Moria a ramené au premier plan les déchirements des pays européens, qui peinent depuis des années à s’entendre sur un programme de relocalisation à grande échelle devant permettre de prendre en charge des réfugiés actuellement en Grèce.

L’Allemagne a notamment invité mercredi les pays membres de l’Union européenne à accueillir des résidants du camp chassés par l’incendie.

En 2015, les habitants de Lesbos avaient vu des centaines de milliers de migrants converger vers l’île en route vers les autres pays européens. Un grand nombre étaient des réfugiés venus de Syrie.

Contrairement à l’Allemagne, beaucoup d’États ont rapidement fermé leurs portes, faisant monter la pression en Grèce, où le nombre de résidants des camps a rapidement augmenté.

L’afflux a continué à moindre échelle après la conclusion d’une entente avec la Turquie en 2016 qui demeure fragile.

Conditions difficiles

Plusieurs organisations humanitaires ont dénoncé les conditions de vie dans les camps situés dans l’île de Lesbos, Moria en tête, et ces appels se sont faits plus pressants avec la pandémie de COVID-19.

Human Rights Watch avait notamment prévenu en avril que l’accès à l’eau était restreint et qu’il était impossible de respecter la distanciation physique, le camp comptant près de cinq fois le nombre de migrants prévu.

Le HCR avait salué la semaine dernière les efforts « extraordinaires » faits par les Grecs pour accueillir ces populations dans le besoin tout en insistant sur « l’urgent besoin de revoir les conditions de vie » dans les camps.

Médecins sans frontières a indiqué mercredi que le drame à Lesbos survient après que des restrictions sévères ont été imposées sur fond de pandémie à des milliers de personnes vivant depuis des années dans des « conditions inhumaines ».

« Il n’y a aucun doute quant à la cause de cet incendie : il est le résultat de plusieurs années de souffrances et de violences humaines produites par les politiques migratoires européennes et grecques », a déclaré dans un communiqué Aurélie Ponthieu, conseillère en affaires humanitaires de l’organisation.