(PARIS) Voilà, c’est décidé. Après des mois de polémiques et de discussions enflammées, Emmanuel Macron a tranché : la cathédrale Notre-Dame de Paris sera reconstruite à l’identique.

La nouvelle a fait la une des journaux français, vendredi. Et pour cause. Cela fait plus d’un an qu’on se demande comment sera restauré l’emblématique monument parisien, ravagé par un incendie le 15 avril 2019.

Refaire en l’état ? Moderniser ? Sortir des sentiers battus ?

M. Macron avait d’abord ouvert la porte à un « geste contemporain » fort, ce qui avait provoqué une avalanche de propositions architecturales parfois visionnaires, parfois excentriques, ayant pour objectif de propulser la cathédrale Notre-Dame de Paris vers l’avenir.

Mais la sagesse et le gros bon sens l’ont manifestement emporté.

Jeudi, en soirée, l’Élysée a fait savoir que le président de la République avait « acquis la conviction qu’il [était] nécessaire de restaurer Notre-Dame de façon la plus conforme à son dernier état complet, cohérent et connu. Tout en faisant le pari du choix de matériaux durables ».

Ce communiqué avait été précédé de signes avant-coureurs.

Plus tôt dans la journée, la nouvelle ministre de la Culture, Roselyne Bachelot, avait déclaré à la radio qu’un « large consensus » se dégageait pour une reconstruction « à l’identique ».

PHOTO FABIEN BARRAU, ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE

De la fumée s’échappe de la cathédrale Notre-Dame de Paris, en proie aux flammes, le 15 avril 2019.

Un peu plus tard, la Commission nationale du patrimoine et de l’architecture s’est à son tour exprimée en faveur d’une reconstruction de la charpente, du toit et de la flèche qui respecterait entièrement les plans laissés par l’architecte Eugène Viollet-le-Duc au XIXe siècle.

Pas une surprise

En un sens, cette décision ne surprend pas. Une restauration « à la moderne » serait allée à l’encontre de grandes conventions sur la conservation et la restauration du patrimoine, comme les chartes d’Athènes, de Venise ou de Cracovie.

« Ces chartes n’ont pas valeur de loi, mais ont valeur référentielle », fait valoir Mathieu Lours, spécialiste de l’histoire de l’architecture.

Si la France [s’]écarte [de ces chartes], elle donne quand même le signe qu’elle se met à l’écart des grandes normes internationales, qui ont été dessinées depuis le milieu du XXe siècle. Ç’aurait été un geste lourd de conséquences.

Mathieu Lours, spécialiste de l’histoire de l’architecture

Aux yeux de l’historien, cette décision est aussi politique. En penchant pour le choix le plus « sage », pour ne pas dire conservateur, Macron répond à l’opinion et aux attentes de l’électorat de centre droit, actuellement son soutien principal.

« C’est là qu’il prend le moins de risques. Et c’est aussi un choix qui correspond à son virage politique. Macron était un président de la modernité qui s’installe de plus en plus dans la tradition de la Ve République. C’est aligné avec une image présidentielle qui défend les acquis plutôt qu’une projection vers l’avenir », observe Mathieu Lours.

PHOTO CHRISTOPHE PETIT TESSON, ARCHIVES REUTERS

Débris devant le chœur de la cathédrale Notre-Dame de Paris, le 16 avril 2019, au lendemain de l’incendie

Voilà, dans tous les cas, qui clôt le débat entre Anciens et Modernes. Le choix rassurera aussi les boutiques pour touristes, qui n’auront pas à renouveler leur marchandise de cartes postales représentant ce joyau de l’architecture gothique.

La reconstruction débutera l’an prochain, une fois le monument sécurisé. Le démontage de l’échaudage qui entoure Notre-Dame, déformé et soudé par les flammes, a été maintes fois retardé, en raison des intempéries, de la pollution au plomb et de la crise sanitaire. Mais il devrait être terminé « au plus tard fin septembre », selon les responsables des travaux.

Rien n’exclut, enfin, que des concessions à la modernité soient faites pour l’intérieur, qu’il s’agisse des vitraux, de l’autel ou du luminaire – pourvu que les travaux soient terminés en 2024 pour les Jeux olympiques de Paris.

Comme promis par Emmanuel Macron au lendemain de l’incendie, Notre-Dame aurait ainsi été reconstruite en cinq ans…