(Berlin) À la terrasse du Zen Kitchen ce n’est pas la foule des grands jours. Seuls quelques clients épars ont fait le déplacement ce jour-là.

« Nous n’avons récupéré qu’à peine 20 à 30 % de notre clientèle depuis la réouverture du restaurant », s’inquiète Vu, patron de ce petit restaurant asiatique près de la célèbre avenue Unter Den Linden, dans le centre de Berlin.

L’Allemagne compte parmi les pays les moins touchés en Europe par l’épidémie de nouveau coronavirus, elle a été l’un des premiers à déconfiner et a dépensé le plus d’argent pour soutenir son économie. La convalescence de ce patient « modèle » est donc suivie de près dans le reste du continent.

Et le résultat est en demi-teinte : près de deux mois après le début de levée des restrictions, le pays tourne encore au ralenti, le secteur de la gastronomie n’étant que la partie émergée de l’iceberg.

Le gouvernement d’Angela Merkel s’attend à un retour de la croissance « après la pause estivale » et « au plus tard à partir d’octobre », a indiqué le ministre de l’Économie, Peter Altmaier, au quotidien Bild publié dimanche.

Même chose sur le front du chômage qui devrait continuer à progresser à un niveau record jusqu’en octobre, avant « de pouvoir redescendre à partir de novembre », selon le ministre.

À quelques kilomètres du restaurant asiatique, le centre historique de Saint-Nicolas et son dédale de rues, d’ordinaire arpenté par touristes et badauds, reste aussi presque vide.

« Notre chiffre d’affaires est encore en chute libre », estime Sylke Oehler, la quarantaine, propriétaire du café-restaurant Alte Zicke.

« Situation dramatique »

« La situation est dramatique », résume la fédération professionnelle allemande de l’hôtellerie restauration, DEHOGA.

Les restaurateurs allemands s’attendent pour le mois de juin en moyenne à une chute de 60 % de leur chiffre d’affaires sur un an.

« Certes, les clients reviennent mais très très lentement », soupire Sahin Ciftci, propriétaire de la pizzeria Zeuss du quartier branché et d’ordinaire bondé de Friedrichshain.

« Les gens ont toujours peur de s’installer à l’intérieur », ajoute-t-il, debout au milieu de son établissement encore vide à l’approche de midi.

Distanciation sociale, inscription des clients dans des registres, mesures d’hygiène, de nouveaux coûts se sont ajoutés.

Résultat, le secteur craint une vague de faillites sans précédent : « sans nouveau soutien de l’État, près de 70 000 entreprises sont au bord de la ruine », dit la fédération.

Mi-juin, le gouvernement allemand a introduit une aide financière spécifique à ce secteur, permettant aux établissements les plus touchés de recevoir jusqu’à 150 000 euros.

Mais « il faut ouvrir les aides à l’ensemble des restaurants », affirme à l’AFP le président de l’organisation, Guido Zöllick.

Le gouvernement compte lui sur la baisse de la taxe sur la valeur ajoutée, de 7 à 5 % jusqu’au 31 décembre 2020, pour faire revenir les clients dans les commerces.

« Corona-cakes »

Mais de nombreux professionnels comptent surtout sur le retour des touristes avec les vacances d’été et la réouverture progressive des frontières aux ressortissants des autres pays de l’UE et de certains pays tiers.

À deux pas de la Porte de Brandebourg, monument phare de la capitale allemande, des voyageurs, essentiellement européens, se pressent en effet dans le hall du prestigieux hôtel Adlon.  

« La reprise est là. Elle est lente, mais continue », assure Sebastien Riewe, le directeur des ventes de cet établissement de luxe datant de plus d’un siècle.

Derrière le comptoir beaucoup plus modeste de son café-restaurant, Sylke Oehler partage cet espoir : « Les touristes vont bientôt revenir, c’est certain », veut-elle croire.

Pour le moment, elle essaie comme elle peut d’attirer la clientèle locale : « j’ai fait des prospectus, suis passée à la radio, et j’ai même cuisiné des nouveaux gâteaux que j’ai appelés corona-cakes ».