(Bruxelles )  Sept personnes âgées sont assises sur des fauteuils roulants. Ils ont des masques chirurgicaux sur le visage, ce qui n’empêche pas certains d’entre eux d’avoir une bière à la main.

L’image ferait sourire si elle n’était pas aussi triste.

Il y a pourtant de quoi se réjouir, cet après-midi, dans la cour intérieure du Val des Roses, une résidence pour aînés du quartier Forest, à Bruxelles. L’auteur-compositeur Saule, sympathique Belge habitué des Francos de Montréal, est venu pousser la chansonnette pour les résidants.

Certains tapent dans leurs mains, à défaut d’avoir le rythme. Quelques préposés font mine de s’amuser avec eux. Une caméra filme la scène. Le soleil plombe. Beau moment d’insouciance en ces temps de fin du monde.

Pandémie oblige, la cause des aînés semble devenue un sujet à la mode. Mais certains n’ont pas attendu la tragédie pour s’intéresser aux « petits vieux ». C’est le cas du collectif À travers les arts, qui a organisé ce concert.

Cela fait des années que les membres d’À travers les arts travaillent avec les personnes âgées. Et s’il est indiscutable que la COVID-19 a fait de terribles ravages dans les maisons de retraite, ce groupe d’artistes refuse qu’on résume les « séniors » à de simples victimes de la crise sanitaire. Alors ils multiplient les projets pour qu’on leur offre autre chose que des bons sentiments.

PHOTO JEAN-CHRISTOPHE LAURENCE, LA PRESSE

Exemples de couvertures du magazine pour les aînés Amour et sagesse

C’est dans cette optique qu’ils ont créé le magazine Amour et sagesse.

Amour et sagesse est un magazine pour les aînés, par les aînés. Sauf qu’on n’y présente pas les aînés comme des êtres amoindris ou vulnérables. Dans Amour et sagesse, les aînés sont montrés comme des personnes à part entière, qui ont vu passer la caravane plusieurs fois et n’ont pas besoin de votre commisération.

Le ton est décalé, avec juste ce qu’il faut d’impertinence. Les photos sont extra. Les témoignages sont originaux et ne tombent jamais dans l’autoapitoiement ou le fatalisme.

Imaginez, mettons, Urbania version troisième âge. Rien à voir avec ces magazines pour l’âge d’or habituels, qui semblent tout droit sortis d’un salon funéraire ou d’une pub pour une compagnie d’assurances. 

Amour et sagesse célèbre la vie, dans ce qu’elle a de plus grouillant. Une bouffée d’air frais, alors que la mort nous sort par les oreilles.

Le magazine – gratuit – a été lancé au début de la pandémie. Le collectif a depuis publié deux autres numéros en vitesse, pour répondre à la crise d’isolement causée par le coronavirus. « L’idée, c’est qu’ils [les aînés] lisent et ne s’enfoncent pas », lance Vincen Beeckman, qui signe toutes les photos.

Vrai, Amour et sagesse montre surtout le beau côté des choses. Et alors ? « Leur univers ne se résume pas à des fauteuils roulants, ajoute Vincen. Oui, il y en a qui sont malades, qui ont mal à la jambe, qui prennent des médicaments. Mais on veut montrer qu’ils sont bien vivants. Qu’ils n’écoutent pas tous Charles Trenet… Il y en a qui écoutent aussi Lady Gaga ! »

Ce n’est sans doute pas un hasard si le premier numéro d’Amour et sagesse s’ouvre sur le doigt d’honneur d’une septuagénaire. Tout l’esprit du magazine est résumé dans cette photo un peu punk. La dame, qui répond au nom d’Évelyne Flamand, nous envoie balader, l’air de dire « on ne veut pas de votre pitié ». Le texte coup de gueule qu’elle signe à côté est encore plus savoureux. Un baume sur les plaies de cette pandémie. On vous laisse là-dessus : 

« STOP à l’infantilisation ! »

« Mais d’où peut bien venir cette appellation “petits vieux” ? D’où viennent cette complaisance et ce manque de respect devenu presque universel et toléré par tous les aînés ?

« “On a apporté sa petite ordonnance, sa petite radio ? Elle a bien pris ses petits médicaments ?” »

« Les vieux, ça devient vite petit, fragile et asexué. En maison de repos, les résidants dorment dans un lit de 90 cm de large, autant dire qu’il faut vraiment être persévérant pour passer une nuit ensemble. 

« On n’est pas petits, on n’est pas tous bons, on n’est pas tous gentils. On aime le sexe et être vulgaires. On boit, on danse et on rote. On a des amants, des maîtresses, et ça nous arrive aussi de voler des strings chez Zara.

« Alors MERDE, arrêtez de nous appeler les petits vieux ! »

Pas besoin d’aide, merci

Cela n’a rien à voir avec Amour et sagesse, mais dans le genre « aîné rebelle en temps de confinement », cette vidéo britannique, qui circule sur les réseaux sociaux, nous a aussi bien fait sourire. Vous ne parlez pas anglais ? On vous résume : c’est l’histoire d’une gentille voisine qui voulait aider la vieille dame d’en face… Bon visionnement.

Les artistes au secours des sans-abri

Que faire d’un théâtre vide pendant la COVID-19 ? Une des salles de spectacles les plus réputées de Bruxelles, le Beursschouwburg, a trouvé la solution : offrir son espace aux sans-abri.

Comme la Grande Bibliothèque à Montréal, Beursschouwburg donne accès à ses toilettes aux itinérants, mais on y distribue aussi du café, des repas chauds, des vêtements, en plus d’offrir un espace numérique (tablettes fournies) et même la possibilité de prendre des douches ! Cocasse : le guichet a été transformé en comptoir à bouffe, tandis que des employés de la salle se sont mués en bénévoles.

Cette rencontre entre deux mondes se poursuivra-t-elle au-delà de la pandémie ? « Je ne saurais dire, répond Elisa Liepsch, qui s’occupe du projet chez Beursschouwburg. Mais j’espère qu’on continuera tant et aussi longtemps que ce virus nous accompagnera. Je crois personnellement qu’on pourrait continuer à distribuer le café même si la salle reprend ses activités… »

Une perspective qui semble réjouir Ché, longue barbe et hardes d’ancien rockeur, rencontré juste en face du théâtre : « Cet endroit est vraiment super pour le café et les repas chauds. Mais pour pisser, honnêtement, on peut faire ça n’importe où ! »

Rapper comme Anders Tegnell…

PHOTO CLAUDIO BRESCIANI/TT NEWS AGENCY, REUTERS

Anders Tegnell, épidémiologiste d’État, en Suède

Des points presse quotidiens très suivis en début d’après-midi. Un expert en santé publique qui devient un héros populaire. Ça vous rappelle quelque chose ?

Mais non, on ne parle pas d’Horacio Arruda !

En Suède, le personnage d’Anders Tegnell a aussi été révélé par la crise sanitaire.

Cet « épidémiologiste d’État » divise la population à cause de sa stratégie controversée, qui consiste à ne PAS mettre le pays en confinement. Certains accusent Tegnell d’être irresponsable, alors que bars, restos et magasins restent ouverts. D’autres lui vouent un culte, comme en témoignent les pages de fans sur Facebook et cette chanson-hommage du rappeur suédois Shazaam.

> Visionnez le vidéoclip de la chanson Anders Tegnell par Shazaam (en suédois)

Selon ce qu’on a compris, Shazaam encense Tegnell pour son indépendance d’esprit, et sa capacité à garder le cap malgré les pressions. Ce serait banal si le rappeur n’en profitait pas pour s’attribuer les mêmes qualités et se comparer au populaire scientifique.

« Comme Anders Tegnell, je suis mon chemin… Comme Anders Tegnell, j’ai étudié les chiffres tous les week-ends… Comme Anders Tegnell, je saisis le micro avec confiance… Comme Anders Tegnell, je suis intouchable… »

La Suède compte officiellement 3000 morts du coronavirus.