(Rome) L’Italie s’accroche à un ralentissement relatif de la contagion de coronavirus, mais l’angoisse demeure : le Nord redoute que les chiffres officiels sous-estiment le bilan réel, et le Sud s’effraie d’une « explosion » de la pandémie.

Selon le bilan publié jeudi soir, la pandémie a tué 8200 personnes en Italie (avec 662 décès officiellement recensés dans la dernière journée), et le nombre total de cas positifs a encore crû de 8 %, soit autant que les deux jours précédents.  

Des chiffres qui, selon beaucoup, ne dévoilent qu’une partie de la réalité. Près de Bergame, ville italienne la plus durement touchée, la commune de Nembro, qui compte près de 12 000 habitants, « a officiellement enregistré 31 décès attribués à la COVID-19 », expliquent dans le quotidien Corriere della Sera, Luca Foresti, un responsable médical local, et Claudio Cancelli, le maire.

« Le nombre de décès dans des conditions normales aurait dû être environ 35, or cette année nous en avons enregistré 158, c’est-à-dire 123 de plus que la moyenne et non 31 », ajoutent les deux hommes. Ils relèvent la même anomalie dans d’autres petites communes, avec un nombre de décès « anormaux » de 6,1 fois supérieur à celui officiellement attribué à la COVID-19.

Le maire de Brescia, une autre ville du Nord durement touchée, a aussi estimé que « les contaminations sont beaucoup plus nombreuses que ce que l’on dit ». « Le nombre de morts aussi est plus important, car il y a beaucoup de malades chez eux et on ne sait pas comment ils vont », avait déclaré Emilio Del Bono.

Inquiétude dans le Sud

Au cimetière municipal de Bergame, des camions militaires ont été réquisitionnés jeudi pour emporter les cercueils vers d’autres régions, a constaté un photographe de l’AFP. Frappée de plein fouet, cette ville n’a pas de capacité d’incinération suffisante.  

La péninsule reste le pays le plus cruellement frappé. Des chiffres officiels qui comprennent les décès dans les hôpitaux et une partie de ceux des maisons de retraite, selon la protection civile.

Roberto Burioni, un virologue très connu en Italie, a lui aussi estimé que le nombre de personnes contaminées « n’est vraiment pas fiable », car il ne prend pas en compte les cas asymptomatiques.  

Un avertissement que le gouverneur de la région de Naples, la Campanie, reprend à son compte. La crise de la COVID-19 « va exploser de manière dramatique » dans sa région qui « va vivre dans les dix prochains jours un véritable enfer », a assuré Vincenzo De Luca. En Campanie, le nombre de morts est passé de 29 à 83 en quatre jours.

Dans le Sud, le système hospitalier est beaucoup plus fragile que dans la région de Milan, épicentre de la pandémie en Italie. En Sicile, jusqu’à présent relativement épargnée, la presse a fait état de 69 cas parmi les résidents et le personnel d’une maison de retraite, du village de Villafrati.  

Coiffeur clandestin

Beaucoup s’inquiètent également de la pénurie de tests. « On ne fait pas moins de tests. On fait ceux qui sont jugés nécessaires. Il y a une politique qui est de faire la recherche sur les gens qui ont des symptômes et sur ceux avec qui ils ont eu des contacts étroits », a expliqué un responsable de la Protection civile, Agostino Miozzo.  

Après plus de deux semaines de confinement et de ralentissement considérable de l’activité, les conséquences sur la troisième économie d’Europe promettent d’être considérables.  

L’association professionnelle du tourisme et du commerce, Confturismo-Confcommercio, évoque « l’hypothèse d’une réouverture du pays seulement début octobre », avec « une baisse du PIB d’environ 3 % ». Le « think tank » londonien The Economist Unit évoque même une récession de 7 %, dans une note parue jeudi.  

Les Italiens vivent leur troisième semaine en confinement dans une atmosphère parfois étrange. Dans les Pouilles, le maire de Monteleone, où aucun des mille habitants n’aurait été contaminé, a bloqué les accès au village par des bottes de foin, rapporte l’Agence Ansa.  

La plupart des 60 millions d’Italiens semblent accepter les restrictions à leurs libertés. Mais à Rimini (Nord-Est), une femme a été verbalisée pour avoir créé un groupe WhatsApp signalant les contrôles. La police a aussi découvert un salon de coiffure clandestin à Naples (Sud) et une salle de billard à Cagliari en Sardaigne, rapportent les médias.