Un amendement introduit tardivement dans une vaste réforme constitutionnelle approuvée mercredi par le Parlement russe pourrait permettre à Vladimir Poutine de demeurer au pouvoir jusqu’en 2036.

Une ex-cosmonaute très connue dans le pays, Valentina Terechkova, avait proposé mardi de lever la limite existante de deux mandats présidentiels successifs ou encore de « remettre le compteur à zéro » dans le cadre de la réforme de manière à ce que l’homme fort russe soit en mesure de se porter de nouveau candidat à la fin de 2024.

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La députée Valentina Terechkova lors de son intervention devant la chambre basse du Parlement russe

La députée a souligné, à l’appui de sa démarche, que la possibilité pour le président actuel de se faire réélire serait un gage de stabilité pour le pays.

Vladimir Poutine, qui est aux commandes de la Russie depuis plus de 20 ans, est intervenu ensuite en personne devant les députés pour donner son appui à l’idée d’une « remise à zéro » permettant théoriquement son maintien au pouvoir.

Il a cependant indiqué que la mesure devrait recevoir l’approbation de la Cour constitutionnelle et être validée ensuite lors d’un référendum prévu à la fin du mois d’avril.

Robert Austin, politologue rattaché au Centre des études est-européennes, russes et eurasiennes de l’Université de Toronto, souligne que l’amendement a « évidemment » été demandé par le président lui-même.

Il est en train de créer les conditions pour régner perpétuellement.

Robert Austin, politologue

L’analyste assimile l’intervention de la députée et l’intervention subséquente du chef d’État à une « mise en scène » caractéristique de la vie politique russe.

Vladimir Poutine, dit-il, se voit aujourd’hui comme le défenseur du pays face à une série de menaces extérieures et entend demeurer au pouvoir pour continuer sa bataille en vue de rétablir la Russie comme un « acteur majeur » sur la scène internationale.

M. Austin pense que la réforme proposée n’a aucune chance d’être rejetée par la Cour constitutionnelle ou le référendum.

Sa « vision du pays »

Ekaterina Piskunova, chargée de cours de l’Université de Montréal et spécialiste de la Russie, relève pour sa part qu’il est loin d’être clair que le président entend s’accrocher au pouvoir au-delà de 2024.

Elle pense que Vladimir Poutine se donne l’option de le faire, mais qu’il continuera dans l’intermédiaire à chercher un successeur potentiel à la présidence susceptible de satisfaire ses exigences.

L’analyste estime que le politicien est plus préoccupé par la défense de sa « vision du pays » que par son pouvoir personnel et cherche avec la réforme constitutionnelle en cours à la pérenniser.

Il souhaite, souligne Mme Piskunova, garantir que la Russie sera « stable » et « forte » et peut compter sur l’appui d’un segment important de la population ayant été traumatisée par les réformes libérales des années 90.

Vladimir Poutine demeure conscient, selon elle, que le fait de demeurer trop longtemps au pouvoir « peut nuire à la stabilité du pays », notamment en favorisant l’émergence d’un mouvement de contestation parmi les jeunes Russes qui n’ont pas connu cette période chaotique.

Un protecteur

Robert Austin pense que le président russe a le pouvoir bien en main malgré son bilan mitigé sur le plan économique et dispose de nombreux mécanismes « pour composer avec tout mouvement de contestation ».

« Il y a eu des manifestations, mais on n’en voit d’ailleurs pas beaucoup dernièrement », souligne l’analyste.

« Il a réussi à rallier beaucoup de gens avec l’idée que la Russie est menacée de toutes parts. Les gens ont l’impression qu’il les protège », ajoute M. Austin.