(Sofia) Vingt-quatre heures après avoir inculpé trois Russes pour tentative de meurtre sur un marchand d'armes bulgare, la Bulgarie a convoqué l’ambassadeur de Russie vendredi, après avoir accusé d’espionnage deux représentants de l’ambassade russe à Sofia.

Des enquêtes ont été ouvertes sur deux ressortissants étrangers qui recueillaient des informations classées secret défense puis les transmettaient à un État étranger.

Le bureau des procureurs bulgare, dans un communiqué.

Le communiqué du bureau des procureurs bulgare présente ces personnes comme des diplomates.  

Sur Facebook, l’ambassade de Russie à Sofia a rejeté ces allégations. « Aucune preuve confirmant des activités incompatibles avec le statut [des deux hommes] n’a été présentée », peut-on lire sur la page de la représentation diplomatique russe, pour qui il s’agit d’un diplomate et d’un employé.

Un des diplomates expulsés travaillait sur le système électoral bulgare

L’un des deux espions présumés était enregistré en tant que premier secrétaire au service consulaire de l’ambassade de Russie à Sofia. Mais il « cherchait en fait depuis 2017 des données sur notre système électoral », selon la justice bulgare.

De son côté, son collègue recueillait au service commercial de l’ambassade « des informations concernant l’approvisionnement et la sécurité énergétiques ». Il les « transmettait ensuite au siège du service de renseignement russe à Moscou », a poursuivi le bureau des procureurs.  

La Russie a rappelé en réaction son « droit à riposter », regrettant que de telles accusations aient été rendues publiques par Sofia sans échange préalable avec son ambassade. Cela « ne répond pas à l’esprit traditionnellement constructif des relations entre les deux pays », est-il écrit sur la page Facebook de l’ambassade russe.

Sofia entretient depuis la chute du communisme en 1989 des relations politiques privilégiées avec Moscou et les intérêts russes sont très présents dans le monde bulgare des affaires.

L’ambassade des États-Unis a par contre « félicité les actions du gouvernement bulgare à défendre l’indépendance et la souveraineté du pays d’une influence nocive » dont l’expulsion des deux représentants de l’ambassade de Russie pour espionnage et l’annonce d’inculpations contre trois citoyens russes pour tentative d’assassinat.

Une tentative de meurtre impliquant peut-être un agent russe empoisonneur

La justice bulgare avait annoncé jeudi avoir émis un mandat d’arrêt européen contre trois ressortissants russes inculpés pour l’empoisonnement d’un entrepreneur, de son fils et d’un cadre de son entreprise en Bulgarie en 2015, une affaire susceptible d’avoir des ramifications avec le cas de l’ex-agent double Sergueï Skripal.

PHOTO YURI SENATOROV, AFP

Sergueï Skripal, alors qu'il subissait son procès pour trahison à Moscou en 2006. Ce colonel des renseignements russes était accusé d'être un agent double. Douze ans plus tard, alors qu'il vivait en Angleterre après un échange de prisonniers, trois agents russes ont tenté de l'empoisonner, lui et sa fille Ioulia, à l'aide d'un poison russe appelé Novichuk.

Selon le communiqué de l’ambassade américaine, « certains des mêmes agents russes responsables pour les empoisonnements en Bulgarie étaient impliqués dans d’autres activités nocives en Europe ».

Lorsque la justice bulgare avait annoncé enquêter sur cette affaire, elle avait souligné que ses investigations visaient un officier du renseignement militaire russe, connu sous le nom d’emprunt de Sergueï Fedotov.

Sergueï Fedotov, de son vrai nom Denis Viatcheslavovitch Sergueev, s’était rendu en Bulgarie au moment de la présumée tentative d’assassinat de M. Gebrev en avril 2015.

Or, selon le site d’investigation Bellingcat, cet homme était au Royaume-Uni quand l’ex-agent double Sergueï Skripal et sa fille Ioulia avaient été empoisonnés à Salisbury en mars 2018 et il est considéré comme un « troisième suspect » dans cette affaire.

Collaboration entre la Bulgarie et les États-Unis

Le procureur général bulgare Ivan Guechev s’était entretenu jeudi avec une diplomate américaine chargée de la coopération judiciaire entre Sofia et Washington.

Cette rencontre a eu lieu sur fond de tensions dans les relations entre la Bulgarie et la Russie ces derniers mois. En septembre, le parquet bulgare avait inculpé pour des faits d’espionnage en faveur du Kremlin un ancien député socialiste bulgare.

Puis, pour la première fois en vingt ans, Sofia a expulsé en octobre un diplomate russe. La Russie avait alors répliqué en décembre en expulsant à son tour un diplomate bulgare.

« Fort allié de l’OTAN et partenaire de l’Union européenne, la Bulgarie a un droit inaliénable de défendre son avenir », déclare l’ambassade des États Unis.