La première ministre britannique Theresa May a exhorté jeudi les députés à soutenir l'élaboration d'un compromis transpartisan pour permettre au Royaume-Uni de quitter l'UE avant les élections européennes de mai, au lendemain d'un nouveau report de la date du Brexit.

«Nous devons maintenant poursuivre nos efforts pour parvenir à un consensus sur un accord, dans l'intérêt national», a déclaré la dirigeante conservatrice à la Chambre des communes, en référence aux discussions actuellement menées entre le gouvernement et la principale formation d'opposition, le Parti travailliste, pour trouver une issue sur le Brexit.  

«Ainsi, nous pourrons quitter l'UE avec un accord le plus rapidement possible et éviter de participer aux élections du Parlement européen», prévues du 23 au 26 mai.

Les dirigeants européens se sont mis d'accord dans la nuit de mercredi à jeudi, à l'issue d'un sommet tendu à Bruxelles, sur un nouveau report du Brexit, initialement prévu le 29 mars, puis le 12 avril, et désormais fixé au 31 octobre, pour éviter un divorce sans accord, près de trois ans après le référendum de juin 2016. Ce délai peut à tout moment être raccourci si les députés britanniques adoptent un accord de divorce.

Le chef des travaillistes, Jeremy Corbyn, a tancé la «mauvaise gestion du processus du Brexit par le gouvernement», estimant que ce second report laisse le Royaume-Uni «dans le flou, et ajoute à la profonde incertitude qui pèse sur les entreprises et les travailleurs».

Sur les discussions avec l'exécutif, qui ont repris jeudi, il a salué «les indications que le gouvernement serait disposé à modifier sa position sur les éléments clés qui ont jusqu'ici empêché l'adoption de l'accord», qui a été rejeté trois fois par les députés.

«Pour que ces pourparlers aboutissent à un accord susceptible de rassembler notre pays, le gouvernement devra faire des compromis», a-t-il affirmé, l'invitant à «modifier ses lignes rouges».

«Petit nombre d'options»

Theresa May a posé en principe du Brexit un retrait de l'Union douanière et du Marché unique, afin que le pays puisse nouer ses propres relations commerciales et contrôler l'immigration. Mais les Travaillistes veulent eux rester dans l'Union douanière et maintenir les relations les plus étroites possibles avec l'UE.

Sans accord dans ces discussions, Theresa May a annoncé qu'un «petit nombre d'options» seraient soumises au vote des députés pour «déterminer la voie à suivre».

Elle a rappelé que seule la Déclaration politique, un texte non contraignant portant sur la relation future entre le Royaume-Uni et l'UE, pourrait faire l'objet de modifications. Le Traité de retrait, l'autre texte inclus dans l'accord négocié avec Bruxelles, devra lui être approuvé, «quelle que soit la voie choisie», l'UE ayant signifié son refus de le renégocier.

Or ce traité contient une disposition en particulier que rejettent les partisans d'un Brexit dur au sein du Parti conservateur, ainsi que le petit parti nord-irlandais DUP, allié de Mme May au Parlement. Elle vise à éviter le retour d'une frontière physique en Irlande entre le nord, province britannique, et le sud, membre de l'UE, en prévoyant le maintien de tout le Royaume-uni dans l'Union douanière si une autre solution n'est pas trouvée.

«Mettre fin au chaos»

Réagissant au sommet, l'ex ministre du Brexit David Davis, un eurosceptique,  a estimé sur la BBC qu'«il n'y a eu aucun progrès» et que la pression pour que Theresa May quitte son poste allait «s'intensifier».

La première ministre, dont la stratégie et le leadership sont durement contestés au sein de son Parti conservateur, s'est engagée à quitter son poste une fois son accord de retrait adopté par les députés.

Les milieux économiques britanniques se montraient quant à eux à peine soulagés par ce report du Brexit, qui ne supprime pas l'incertitude nuisible à leurs affaires.  

«Ce délai signifie que l'imminence d'une crise économique a été évitée, mais il doit marquer un nouveau départ», a réagi sur Twitter Carolyn Fairbairn, directrice générale de la puissante organisation patronale CBI, appelant les dirigeants politiques à coopérer pour «mettre fin à ce chaos».

Dans la ville ouvrière de Tilbury, à l'est de Londres, les partisans du Brexit, eux, ne cachaient pas leur frustration après ce nouveau report.

«C'est sans fin, les politiques sont comme des poulets sans tête, ils ne savent pas ce qu'ils font», pestait Tom Dwyere, un ancien ouvrier pro-Brexit de 63 ans. «C'est n'importe quoi», renchérissait Robert Gilbert, 73 ans, ouvrier dans l'industrie. «Je n'arrive pas à croire qu'ils n'aient pas réglé la question trois ans après le référendum!»