Plusieurs personnes comparaissent mercredi devant la justice française après des expéditions punitives suscitées par des rumeurs infondées contre des Roms en région parisienne, une flambée de violence qui a suscité la panique dans la communauté Rom et a été condamnée par le gouvernement.

Trois adultes doivent être jugés dans l'après-midi, en comparution immédiate, à Bobigny, au nord-est de Paris, pour des faits de violence et rébellion. Un mineur va être présenté à un juge des enfants.

Tous sont soupçonnés d'avoir participé lundi soir à une expédition punitive à Clichy-sous-Bois, près de Bobigny, contre des Roms désignés par des rumeurs comme responsables de tentatives d'enlèvements d'enfants ou adolescents.

Des messages alarmants sur les réseaux sociaux avaient évoqué ces tentatives présumées par des personnes circulant en camionnette blanche dans la région parisienne.

Le parquet de Bobigny (région parisienne) a annoncé mardi le placement en garde à vue de 19 personnes (17 majeurs et deux mineurs) «pour des faits de violences volontaires, dégradations par incendie et participation avec arme à un attroupement survenus dans la soirée du 25 mars».

Selon une source policière, une vingtaine de personnes ont essayé de s'introduire dans un pavillon à Clichy-sous-Bois (près de Bobigny) occupé par des Roms, qui ont dû se réfugier dans un magasin de bricolage situé non loin.

Onze personnes étaient toujours en garde à vue mercredi pour d'autres violences survenues le même soir à Bobigny, a précisé une source judiciaire.  

Cette fois, une cinquantaine de personnes armées de couteaux et de bâtons s'en sont prises à des Roms installés au bord d'une route nationale. Des camionnettes ont été incendiées, selon cette même source. D'autres rixes ont éclaté plus tard dans la soirée à Bobigny.  

Quatre Roms, arrêtés alors qu'ils étaient «armés de bâtons pour se défendre», ont quant à eux été relâchés mardi, selon une source policière.

«Ils avaient des cocktails Molotov et nous jetaient des cailloux. Ils voulaient nous tuer», a raconté Georgi, un homme d'une soixantaine d'années habitant dans le bidonville rom de Bobigny attaqué lundi soir.

«Depuis, on a peur tout le temps. On ne dort plus, on monte la garde», selon un autre homme, Georghe Marcus, un des 150 Roms venus de Roumanie, de Serbie ou de Moldavie qui vivent dans la misère sur ce terrain au bord d'un canal.

Ces événements sont «la démonstration de la nécessité absolue de lutter contre les "fake news"», a déclaré mercredi matin le porte-parole du gouvernement Benjamin Griveaux, dénonçant les «dérives absolument inacceptables».  

«Protéger les Roms»

Mi-mars, une vingtaine de jeunes avaient déjà pris à partie les deux occupants d'une camionnette blanche, qui ont été légèrement blessés à Colombes, au nord-ouest de Paris.

En Seine-Saint-Denis, «la rumeur part de fausses déclarations» dans un commissariat, a indiqué un policier, selon lequel, dans ce contexte, les 34 camps roms du département «seront sécurisés de nuit».

Le parquet de Bobigny a indiqué n'être saisi «à cette heure, d'aucune enquête pour des faits d'enlèvement de mineurs par des personnes de la communauté Rom».  

La région parisienne n'est pas la seule région concernée. Des rumeurs d'enlèvements «à l'aide d'une camionnette blanche ou bleue» dans le Nord ont ainsi été relayées en janvier, et démenties quelques jours plus tard par les autorités du département.

Le collectif national droits de l'Homme (CNDH) Romeurope, qui rassemble 48 associations, déplore que « les personnes qui vivent en bidonvilles et/ou qui conduisent une camionnette [...] n'osent souvent plus en sortir pour poursuivre leurs activités habituelles ».

« Les familles doivent cesser de vivre dans la terreur », ajoute le collectif, qui appelle les pouvoirs publics à « agir fortement pour protéger les personnes concernées ».

Mardi soir, des associations de défense des Roms avaient déjà dénoncé le retour d'un «racisme séculaire».

Anina Ciuciu, de la Voix des Roms, a «appelé l'État à protéger les Roms, aujourd'hui terrorisés». «Ce sont aussi des enfants de la République», a lancé cette jeune avocate.

En Inde, des rumeurs propagées via la messagerie WhatsApp autour de la prétendue présence de ravisseurs d'enfants ont coûté l'an dernier la vie à au moins 25 personnes dans des lynchages par la foule.