La première ministre britannique Theresa May menait dimanche des consultations avant une semaine cruciale pour le Brexit, dans un climat de crise nourri par des interrogations sur sa stratégie et des spéculations sur son maintien à Downing Street.

Après avoir obtenu de l'UE un report de la date de Brexit, la dirigeante conservatrice tente péniblement de rallier les députés britanniques derrière son Traité de retrait de l'UE, un texte négocié de longue haleine avec Bruxelles et censé organiser un divorce en douceur.

Mais l'accord est très loin d'avoir convaincu les parlementaires, qui l'ont déjà retoqué à deux reprises et menacent Mme May d'une troisième défaite humiliante.

En l'absence de « soutien suffisant » pour un nouveau vote, la dirigeante conservatrice a suggéré vendredi qu'elle pourrait ne pas le représenter la semaine prochaine.

« Nous le représenterons quand nous serons sûrs d'avoir [le soutien nécessaire] », a souligné dimanche le ministre chargé du Brexit, Steve Barclay, sur la BBC.

« Réunion de crise »

Un troisième rejet du texte pourrait être le coup de grâce pour une Theresa May en pleine crise d'autorité.

Critiquée de tous côtés pour sa gestion du Brexit, la dirigeante conservatrice est sous la menace de manoeuvres visant à la déloger, rapportait dimanche le Sunday Times, selon qui elle pourrait céder sa place au vice-premier ministre David Lidington, un europhile, dans un rôle intérimaire.

Le Mail on Sunday voyait, lui, le poste échoir au ministre de l'Environnement Michael Gove, un Brexiter.

Les deux intéressés se sont toutefois empressés de démentir. « Je n'ai aucune envie de prendre sa suite », a déclaré le premier, le second estimant que ce n'était « pas le moment de changer le capitaine du navire ».

Theresa May se trouvait dimanche dans sa résidence de campagne de Chequers (nord-ouest de Londres) et menait des discussions avec « ses collègues », a indiqué à l'AFP un porte-parole de Downing Street.

Selon les médias britanniques, elle y tiendrait une « réunion de crise » en compagnie de plusieurs Brexiters influents, dont l'ancien ministre des Affaires étrangères, Boris Johnson, et Jacob Rees-Mogg, président de l'European Research Group (ERG), un groupe de députés partisans d'une sortie de l'UE sans concession.

Le gouvernement devrait dévoiler lundi ses intentions quant à la suite du processus, tandis qu'une série de votes indicatifs pour déterminer les desiderata du Parlement pourrait avoir lieu dans la semaine.

Une option qui n'est pas sans danger pour l'exécutif en raison des tensions qu'elle pourrait susciter, les eurosceptiques craignant que le Parlement n'en profite pour prendre le contrôle du Brexit, et en dénaturer la substance.

Dans le cas où elle présenterait finalement son accord aux députés, Theresa May devra surmonter deux obstacles, le premier ayant trait à la possibilité même de soumettre le texte.

Ce vote, initialement prévu cette semaine, avait été bloqué par le président des Communes, John Bercow, au motif que l'exécutif ne pouvait présenter à nouveau un même texte sans changement. Les récentes décisions de l'UE peuvent toutefois apparaître comme des éléments nouveaux, selon les analystes.

Le deuxième obstacle fait en revanche figure de gageure, puisque la première ministre doit convaincre les députés de changer d'avis, qui plus est après les avoir échaudés en rejetant sur eux la responsabilité des atermoiements du Brexit dans une allocution mercredi.

Pétition anti-Brexit

Anticipant un possible rejet, les dirigeants de l'UE 27 ont eux donné à Mme May le choix : soit l'accord est voté et le Royaume-Uni effectue une sortie ordonnée de l'UE, avec un court report fixé au 22 mai.

Soit l'accord est rejeté et Londres aura jusqu'au 12 avril pour décider d'organiser des élections européennes, ce qui lui permettrait de demander un nouveau report.

Sinon, ce serait une sortie sans accord, près de trois ans après le référendum sur l'UE du 23 juin 2016.

À l'orée de cette semaine cruciale, des centaines de milliers de personnes ont défilé à Londres samedi pour réclamer un nouveau référendum.

Les opposants à la sortie de l'UE se manifestaient également sur l'internet, la pétition en ligne demandant au gouvernement de renoncer au Brexit ayant dépassé dimanche les 5 millions de signatures.