Deux ex-policiers français ont été condamnés jeudi à sept années d'emprisonnement par la cour d'assises de Paris pour le viol d'une touriste canadienne dans les locaux de la police judiciaire parisienne en avril 2014.

Antoine Quirin, 40 ans, et Nicolas Redouane, 49 ans, deux anciens policiers de la prestigieuse BRI (brigade de recherche et d'intervention), ont été emmenés menottes aux poignets, la tête couverte d'un manteau. Ils dormiront jeudi soir en prison. Leurs avocats ont annoncé qu'ils feront appel du verdict « dès demain matin », et demanderont leur remise en liberté.

Les deux hommes « ont eu avec la partie civile des relations sexuelles [...] au sein de leurs locaux et en réunion ainsi que la partie civile, qui n'y a pas consenti, l'a rapporté », a déclaré le président de la cour d'assises, Stéphane Duchemin.

Antoine Quirin a éclaté en larmes à l'énoncé de ce verdict, qui est conforme aux réquisitions de l'avocat général.

La cour a mis en avant « les déclarations constantes » de la victime. Elle a par contre jugé que les accusés avaient fait des « dépositions évolutives, fantaisistes, peu crédibles ».  

Le jury a aussi été « convaincu par l'ensemble des éléments scientifiques et techniques », dont les expertises ADN et les analyses de la téléphonie.  Le président a notamment évoqué le SMS de Nicolas Redouane à un collègue, dans lequel il écrit : « Ça est une touseuse (partouzeuse, NDLR). Dépêche ».

La cour a pris en compte « la particulière gravité des faits commis à l'encontre d'une jeune femme sous l'emprise de l'alcool » et le « lieu de commission des faits », le siège de la police judiciaire.  

Les deux hommes seront inscrits au fichier judiciaire automatisé des auteurs d'infractions sexuelles (FIJAIS).  Ils devront en outre verser 20 000 euros à la victime, Emily Spanton, une Canadienne de 39 ans.  

« C'est une décision juste qui a été rendue ce soir », s'est réjouie Sophie Obadia, l'avocate d'Emily Spanton. « La cour a considéré qu'Emily Spanton n'avait pas menti, qu'elle n'est pas mythomane et elle a fondé sa décision sur les éléments objectifs de ce dossier ».

Emily Spanton, qui a refusé de parler aux journalistes, « est très émue et soulagée », a indiqué son avocate.

« Erreur judiciaire »

Au contraire, Anne-Laure Compoint, l'avocate d'Antoine Quirin, a dénoncé « une erreur judiciaire ». En appel, « on redébattra de ce dossier dans un climat beaucoup plus serein, et je l'espère, beaucoup plus honnête », a-t-elle déclaré. « Je ne suis pas fière de ce qu'a fait l'institution judiciaire », a ajouté l'avocate, qui mercredi, dans sa plaidoirie, avait estimé qu'il n'y avait « pas de certitude » dans ce dossier.

La vie d'Antoine Quirin « vient de basculer », a déploré l'avocate, qui a pris dans ses bras son client après l'énoncé de la décision.

Son confrère Sébastien Schapira, qui défendait Nicolas Redouane, a lui exprimé « un sentiment d'injustice ». « Évidemment c'est un choc, ils sont innocents », a-t-il dit. « On se battra et on gagnera parce qu'en France il y a une justice ».

Emily Spanton et les deux fonctionnaires s'étaient rencontrés le 22 avril 2014 dans un pub, situé en face des locaux de la police judiciaire. L'ambiance était au flirt et l'alcool coulait à flot. Ils s'étaient ensuite rendus au siège de la police judiciaire.  À 0 h 40, à son arrivée devant le célèbre bâtiment, la jeune femme, alors âgée de 34 ans, marchait en titubant, était joyeuse. Mais à 2 h, en état de choc, elle dénonçait un viol collectif. Les accusés ont toujours clamé leur innocence.  

Avant que la cour ne délibère au terme de deux semaines et demie d'audience, les accusés ont de nouveau nié les faits. « Je n'ai jamais, jamais, jamais agressé, violenté, violé Emily Spanton », avait dit Nicolas Redouane. « Ça fait 5 ans que c'est un cauchemar pour moi, ma famille, mon fils qui m'a dit ce matin : "Rentre pas tard ce soir" », avait enchaîné Antoine Quirin. « J'ai peut-être été infidèle, mais je n'ai jamais violé une femme. Je n'ai jamais violé cette femme ».