Des milliers de « gilets jaunes » ont de nouveau manifesté samedi pour leur acte 11, marqué par des heurts, avec une ténacité affichée face à un exécutif qui regagne en popularité, dix jours après l'ouverture du grand débat national.

À 14 h, ils étaient 22 000 à manifester en France, dont 2500 à Paris, selon le ministère de l'Intérieur.

La semaine dernière, à la même heure, ils étaient 27 000, dont 7000 à Paris, selon Beauvau.  

À Bordeaux, haut lieu de la contestation et où la préfecture s'est refusée à communiquer des chiffres de mobilisation, l'AFP a dénombré près de 5000 « gilets jaunes ». Ils étaient également plusieurs milliers à Toulouse et 4000 selon la police à Marseille, où des gilets « rouges » de la CGT se sont joints aux manifestants.

Des heurts ont éclaté dans le cortège d'au moins de 2000 personnes à Nantes.  

En milieu d'après-midi à Paris, la place de la Bastille, lieu de convergence de quatre cortèges distincts, a été plongée à plusieurs reprises dans des nuages de gaz lacrymogène et était survolée d'un hélicoptère. Les forces de l'ordre ont également fait usage d'un canon à eau et de grenades de désencerclement pour repousser des manifestants qui les caillassaient.  

Une figure connue des « gilets jaunes », Jérôme Rodrigues, blessé à un oeil par un projectile alors qu'il se trouvait face à des forces de l'ordre, a été évacué par les pompiers du coeur de la place, puis hospitalisé.  

Les forces de l'ordre avaient procédé à 42 interpellations à Paris, selon des chiffres de la préfecture vers 17h.

Rester visibles et audibles dans la rue, c'est le défi des « gilets jaunes », alors que l'exécutif remonte dans les sondages, que les rangs des contestataires sont gagnés par de nouvelles querelles internes et que l'annonce d'une liste « Rassemblement d'initiative citoyenne » aux européennes de mai sème la division.

À Paris, deux figures historiques du mouvement aujourd'hui ennemies, Eric Drouet et Priscillia Ludosky, avaient initié des marches distinctes.

Le premier a pris place dans un cortège parti du cours de Vincennes, la seconde a rallié le siège parisien de Facebook depuis le ministère des Outre-mer. Un troisième cortège est parti des Champs-Élysées.

Dans ces cortèges, les revendications restaient cependant unanimes, la première d'entre elles réclamant un référendum d'initiative citoyenne (RIC), qui « hérisse » le premier ministre Edouard Philippe.  

« La répression en marche », « Anti flashball » proclamaient banderoles et pancartes à Paris ou Brest, alors que la polémique enfle sur les blessures causées par les lanceurs de balles de défense (LBD). Les forces de l'ordre dotées de ces armes étaient équipées pour la première fois de caméras-piétons.

« Il y a toujours du monde même si les gens s'éparpillent un peu. Mais ce qu'il faut retenir, c'est qu'on est toujours là », souligne Jean-Jacques Sylvain, 55 ans, de Corbeil-Essonnes, au sujet de la mobilisation.

Venu de Fourmies (Nord), Mathieu Styrna, menuisier de 36 ans, estime que « le grand débat, c'est surtout une grande mascarade. On a l'impression qu'il y a une sélection des gens qui y participent ».

Un père retraité de la RATP, venu manifester avec ses deux enfants majeurs, a déploré lui la présence de « militants d'extrême droite masqués », qui ont « chargé » des militants du NPA près de la gare de Lyon.  

« Nuit jaune ? »

Quelques incidents ont aussi été recensés à Évreux. En marge d'un rassemblement qui a réuni plus de 800 personnes selon la préfecture, des dégradations ont été commises devant le siège de la Banque de France et au niveau des locaux de la police municipale, selon les autorités, qui ont également déploré l'incendie de « deux véhicules » aux abords de la mairie.  

À Montpellier, où quelque 1500 manifestants ont défilé dans le centre-ville, des incidents ont éclaté devant la préfecture.  

À Besançon, le mouvement hospitalier des « Blouses blanches » s'est joint au cortège des « gilets jaunes ».  

Au moins un millier de personnes ont défilé à Lyon dans une ambiance électrique et aux cris de « Macron démission ». Ils étaient environ 600 à Grenoble et Saint-Étienne. À Strasbourg, 200 à 300 personnes se sont rassemblées devant le Parlement européen pour faire « barrage à Macron », selon les mots d'un manifestant, Valentin Wimmer. Ce mécanicien retraité de Molsheim (Bas-Rhin) estime avec regret que « le mouvement commence à s'effriter ».

Les autorités avaient dénombré 84 000 manifestants lors des deux derniers samedis en fin de journée, en augmentation après la trêve de Noël et du Nouvel An mais sans retrouver le niveau de mobilisation de début décembre.

À Paris, et dans plusieurs villes de France, les manifestants sont appelés à participer à une « nuit jaune », référence aux « Nuits debout » de 2016, en pleine mobilisation contre la loi travail. Plusieurs centaines de personnes étaient rassemblées en fin d'après-midi place de la République, mangeant des merguez et discutant tranquillement.  

Au lendemain de l'acte 11, les « foulards rouges » défileront dimanche à Paris lors d'une « marche républicaine des libertés » pour faire entendre « la majorité silencieuse » et défendre « la démocratie et les institutions ».