Les députés grecs ont reporté à vendredi leur vote historique sur le nouveau nom de la Macédoine, initialement prévu pour dans la nuit au parlement, face auquel plusieurs centaines de partisans du « non » proclamaient toujours leur détermination à « se battre jusqu'au bout ».

Ce report prolonge le suspense sur cette querelle de près de trente ans entre la Grèce et ce petit État voisin.

Le vote sur l'accord qui rebaptise ce pays « République de Macédoine du Nord » est désormais prévu pour vendredi « vers 14 h 30 heure locale (7 h 30 HE) », a dit à l'AFP une source parlementaire, car quelque 230 députés ont exprimé le désir de s'exprimer, selon le président de l'assemblée.

À la nuit tombée jeudi, le débat entamé la veille continuait d'être houleux sur un sujet qui sème la zizanie dans la classe politique et dans l'opinion publique grecques.

« Jusqu'au bout, nous nous opposerons à cet accord. Même s'il est voté par le Parlement, nous continuerons à montrer notre mécontentement et la Macédoine restera pour toujours grecque dans nos coeurs », a témoigné Michalis, arrivé de Kalamata (sud) pour manifester.

« Il faut déchirer cet accord », hurlait un protestataire dans un mégaphone sur la place Syntagma : « les près de 152 députés qui vont voter pour cet accord sont des traîtres à la nation ».

Quelques milliers de personnes ont au total manifesté en deux rassemblements distincts, dont l'un sous la bannière communiste, face au parlement à l'appel des organisations de défense de « la grécité » de la Macédoine.  

Sur la place Syntagma, les banderoles réclamaient « un référendum pour la Macédoine ».

Pour de nombreux Grecs, le mot de « Macédoine », terre natale d'Alexandre le Grand, appartient exclusivement au patrimoine historique grec. Certains redoutent même que le pays voisin ait des velléités d'annexer la province grecque du même nom.

Dimanche, des incidents entre un groupe de manifestants encagoulés et les forces antiémeutes avaient fait une quarantaine de blessés. Le gouvernement avait montré du doigt « des extrémistes » du parti néonazi Aube Dorée.  

La majorité des partis politiques grecs sont farouchement opposés à l'accord : de l'extrême droite aux socialistes du Kinal et aux communistes du KKE, en passant par la grande formation de la droite Nouvelle-Démocratie (78 députés).

Malgré tout, l'accord devrait en principe être validé par la majorité absolue des députés, soit au moins 151 sur 300.

Outre les élus de son parti de gauche Syriza (145), le premier ministre Alexis Tsipras mise sur au moins six autres députés, des dissidents de son ancien allié au gouvernement, le parti souverainiste des Grecs Indépendants Anel, ou de partis du centre gauche - Kinal (socialistes) et Potami.  

« Avez-vous peur d'un État qui n'a même pas 2 % de nos capacités militaires et même pas 6 % de notre résultat économique », a fustigé devant les parlementaires l'ex-ministre des Affaires étrangères Nikos Kotzias, le principal artisan de l'accord.

Son homologue macédonien Nikola Dimitrov, qui avait oeuvré avec lui à la préparation de l'accord, a pour sa part dit à l'AFP que le texte créait « un climat qui fait que l'impossible devient possible ».

Après le « oui » des députés de Macédoine il y a deux semaines, la ratification par le parlement grec doit être le dernier acte d'une querelle datant des années 1990 au moment de l'accession à l'indépendance de cette ex-république yougoslave.

Outre la normalisation des relations bilatérales, l'entrée en vigueur de l'accord ouvrirait la voie à l'adhésion de la Macédoine du Nord à l'Union européenne et à l'OTAN, entravée jusqu'ici par le veto d'Athènes.

Manque de consensus

« Vous avez encore le temps de changer d'avis », a exhorté à la tribune Kyriakos Mitsotakis, le dirigeant de la Nouvelle Démocratie, fustigeant un accord qui sonne « la retraite nationale ».

« Skopje monopolisera l'identité de la Macédoine », a-t-il dénoncé, estimant que des centaines d'entreprises macédoniennes se retrouveront « tragiquement exposées ».

Certains députés favorables à l'accord, comme Eleni Kountoura, une dissidente de l'Anel et ministre du Tourisme, ont dit avoir reçu des menaces contre leur vie ou celle de membres de leur famille.

Si l'accord n'entre pas en vigueur, « les conséquences de l'échec seront importantes » et « une nouvelle négociation prendrait des années », a prévenu mercredi Matthew Nimetz, le médiateur onusien sur la question.  

Kyriakos Mitsotakis ne cesse quant à lui de réclamer des élections anticipées et a promis « une nouvelle négociation » avec le pays voisin, si l'accord n'est pas entériné par le parlement et en cas de victoire aux prochaines élections prévues pour octobre.