Le président Emmanuel Macron a donné mardi dans une région rurale du nord-ouest de la France le coup d'envoi officiel d'un « grand débat » qu'il veut « sans tabou », un exercice inédit à l'échelle nationale pour tenter de répondre à la crise des gilets jaunes qui secoue la France.

« Nous pouvons faire du moment que traverse la France une chance » pour « réagir plus fort » et continuer à réformer plus profondément le pays, a lancé Emmanuel Macron devant 600 maires de Normandie.

Cet échange-marathon a duré 6 h 30, le chef de l'État parlant lui-même 3 h 30.

Pour le président Macron, la France connaît une série de « fractures », « sociale », « économique » et « démocratique », qui sont à la racine de la colère des gilets jaunes, ces manifestants entrés en rébellion depuis près de deux mois contre la politique sociale et fiscale du gouvernement.    

« Toutes les questions sont ouvertes » pour ces deux mois de débats auxquels tous les Français peuvent participer et « il ne doit pas y avoir de tabou », a-t-il insisté.

Le grand débat s'articulera autour de quatre thèmes principaux (fiscalité et dépenses publiques, organisation des services publics, transition écologique, démocratie et citoyenneté).

Emmanuel Macron a néanmoins exprimé des réserves sur le référendum d'initiative citoyenne, ou RIC, l'une des revendications les plus partagées par les gilets jaunes.

« On ne doit pas créer une situation de concurrence entre les formes de démocratie » directe et représentative, a-t-il ajouté.

Si « un référendum d'initiative citoyenne qui chaque matin peut revenir sur ce que les parlementaires ont voté, là on tue la démocratie parlementaire », a averti le chef de l'État.

« Quand il y a une décision difficile à prendre, ce sont souvent les représentants qui les prennent car ils intègrent les contraintes. On prend rarement les décisions difficiles par référendum », a relevé le président français.  

« Regardez ce que vivent nos amis britanniques », a-t-il souligné. « Le peuple a voté non sur des fausses informations et des mensonges. Et leurs représentants sont incapables de le mettre en oeuvre », a-t-il ajouté, au moment où le parlement britannique rejetait massivement l'accord de Brexit.

Les édiles normands ont égrené pour leur part les doléances de leurs administrés : manque de médecins ou de transports collectifs, fermetures de maternité, fracture numérique...

D'autres élus ont cité le pouvoir d'achat, la justice fiscale, le niveau des retraites ou l'affaiblissement des services publics en milieu rural.

Emmanuel Macron a retrouvé des accents de campagne pour répondre en détail sur tous les dossiers. Il a ainsi défendu son programme économique, la suppression de l'Impôt sur la fortune (ISF).

Offensif, il a mêlé logique, chiffres et formules choc, parfois émaillées d'argot.  

« Raconter des craques »

Emmanuel Macron a ainsi déclaré vouloir « responsabiliser » les personnes en situation de pauvreté car « il y en a qui font bien » et d'autres « qui déconnent », des propos qui ont suscité des protestations dans l'opposition, à droite et à gauche.

« Il ne faut pas raconter de craques, a-t-il ajouté un peu plus tard, c'est pas parce qu'on rétablira l'ISF que les gilets jaunes iront mieux ».

« On veut toujours trouver un coupable, j'ai le sentiment de remplir ce rôle à plein, je l'assume. Personne me m'a forcé à être là », a-t-il aussi remarqué.  

Le président français, qui a encore prôné une « République de la délibération permanente », s'est fait longuement applaudir à la fin de l'échange avec les élus normands.

Emmanuel Macron mise sur ce débat national pour relancer son quinquennat et reprendre l'initiative après deux mois de crise et d'effondrement dans les sondages.

L'Élysée veut éviter que le grand débat apparaisse comme un exercice verrouillé par le gouvernement, comme l'en accuse une partie des gilets jaunes et de l'opposition. Il n'est donc pas question que le président tranche sur un sujet avant la fin du débat mi-mars.

Cette étape était la première d'un tour de France qui le conduira à écouter les maires de toutes les régions françaises.  

Mais Emmanuel Macron a encore beaucoup à faire pour convaincre les Français de l'utilité de ce grand débat.

Si près de 40 % des Français ont l'intention d'y participer, seuls 34 % pensent qu'il permettra de sortir de la crise, selon un sondage Elabe pour la chaîne BFMTV.