(Paris) Trottoirs bondés, flottilles de vélos et trottinettes prises d’assaut et plus de 280 km de bouchons cumulés : la capitale française et sa région ont été fortement perturbées vendredi par une grève massive dans les transports en protestation contre un projet de réforme des retraites voulu par le président français Emmanuel Macron.

La grève dans le métro parisien a été particulièrement suivie avec dix lignes de métro fermées, un trafic très fortement perturbé sur les lignes ferroviaires du Réseau express régional (RER) et un bus sur trois en moyenne.

La mobilisation est inédite depuis douze ans : le 18 octobre 2007, une grève de la Régie autonome des transports parisiens (RATP) et de l’opérateur ferroviaire, la SNCF, visait déjà une réforme des régimes spéciaux de retraite, sous la présidence de Nicolas Sarkozy.

Ce vendredi, dix lignes de métro sur 16 sont entièrement fermées, tandis que sur quatre autres, on compte un métro sur trois, mais seulement aux heures de pointe, et encore pas forcément sur toute la ligne.

Sur les lignes automatiques 1 et 14, les seules à fonctionner normalement, la saturation redoutée ne s’est pas produite, beaucoup d’usagers ayant pris leurs disposition - télétravail, transports alternatifs ou jour de congé.

Sur la ligne 1, une agente de la compagnie de transport public RATP s’étonne : « on s’attendait à voir beaucoup plus de monde ».

« Apparemment les gens ont réussi à s’organiser autrement. Je pense aussi que beaucoup de monde a posé sa journée », estime cette salariée de la RATP croisée gare de Lyon.

Pour les syndicats, il s’agit du « premier coup de semonce » contre la réforme des retraites et pour le maintien du régime spécial des agents de la régie des transports parisiens.

« pas une grève de privilégiés »

« Ce n’est pas une grève de privilégiés, c’est une grève de salariés qui disent “on veut avoir une retraite à un âge raisonnable et partir dans des conditions raisonnables” », a estimé sur Franceinfo le secrétaire général de la CGT Philippe Martinez.

À l’appel de plusieurs organisations, plusieurs centaines d’agents se sont rassemblés devant le siège de la Régie des transports à Paris, sifflant au passage les bus conduits par des non-grévistes.

À la station gare de Lyon, une famille de touristes japonais hésite à franchir sans ticket les portiques du métro, ouverts pour l’occasion : « on était au courant de la grève. Nous allons à Lyon (centre-est) ce soir, mais avant nous allons visiter le Louvre », dit le père, content que le musée reste desservi.

En revanche, à la gare du Nord, première d’Europe avec 700 000 voyageurs par jour (hors métro), les RER sont bondés d’usagers contraints de bricoler un trajet inhabituel.

Sur la ligne 4, fermée comme annoncé à la fin de l’heure de pointe, c’est l’incompréhension et la colère chez beaucoup d’usagers qui haussent le ton. Un homme s’emporte : « oui je suis en colère, vous nous faites chier avec vos retraites ». « Ce n’est pas à nous qu’il faut dire ça », lui répond un agent.  

La réforme prévoit la disparition de tous les régimes spéciaux, dont bénéficient certains fonctionnaires, les employés de plusieurs grandes entreprises publiques et une poignée d’autres professions (marins, clercs de notaires, salariés de l’Opéra de Paris…), et leur remplacement par un système universel de retraite par points.

Les régimes spéciaux sont jugés trop coûteux par le gouvernement. Dans les transports parisiens, l’âge moyen du départ à la retraite était ainsi de seulement 55,7 ans en 2017, contre 63 ans pour les retraités du régime général, selon un rapport de la Cour des comptes publié en juillet.

Les syndicats soulignent, eux, que ce régime spécial tient compte des « contraintes spécifiques » et des « pénibilités liées à (leur) mission de service public ».