(Minsk) Le président bélarusse Alexandre Loukachenko a proposé jeudi d’« ouvrir un nouveau chapitre » dans les relations avec Washington, au risque d’irriter fortement Moscou qui considère son voisin et allié comme faisant partie de sa sphère d’influence.

Dirigeant d’une poigne de fer cette ex-république soviétique depuis 1994, Alexandre Loukachenko est passé maître dans l’art de louvoyer entre les Occidentaux, avec qui la méfiance demeure, et la Russie, avec qui il discute depuis des années d’une possible unification des deux pays.

Recevant à Minsk pour de rares pourparlers le conseiller pour la sécurité nationale de la Maison-Blanche John Bolton, en tournée dans la région, le président du Bélarus a dit vouloir « tourner cette mauvaise page et ouvrir un nouveau chapitre ».

Il a proposé d’aborder « avec franchise » et « comme entre amis » la question des relations entre les deux pays. « Cela nous permettra de créer une base pour les relations futures », a affirmé Alexandre Loukachenko qui a dit s’être déjà « entretenu personnellement » avec « beaucoup d’experts et de spécialistes américains ».

Les deux hommes se sont entretenus pendant plus de deux heures, selon l’agence de presse publique Belta. « La discussion a porté sur la politique, l’économie, les questions de sécurité dans la région et dans le monde entier. C’était une réunion très importante », a déclaré M. Bolton selon Belta.

Il a reconnu toutefois n’avoir « pris aucune décision concrète ».

Selon l’ambassade des États-Unis à Minsk, le but de cette visite était de « discuter de la sécurité régionale et de souligner le soutien américain à la souveraineté et l’indépendance » du pays.

« Points faibles »

Les relations entre le Bélarus et les États-Unis ont été tendues pendant des années.

Washington a régulièrement accusé Minsk de violer les droits de l’Homme et a adopté des sanctions à son encontre. Lors de la dernière réélection de M. Loukachenko en 2015, Washington s’était dit « déçu » en jugeant le scrutin ni libre ni équitable.

En 2007, les États-Unis avaient qualifié le Bélarus de « dernière dictature d’Europe ». L’année d’après, Minsk avait invité l’ambassadeur des États-Unis à « quitter le pays » et rappelé son propre ambassadeur à Washington. Réduites au minimum, leurs relations avaient repris en 2009 sans toutefois régler le différend diplomatique.

Selon l’expert russe Vladimir Jarikhine, spécialiste des ex-républiques soviétiques, la volonté affichée de M. Loukachenko de relancer les relations avec Washington ne sera pas forcément suivie d’effet.  

« Un politicien aguerri essaye de dire ce que son partenaire de pourparlers a envie d’entendre », relève-t-il. « Loukachenko va continuer d’agir comme avant. Il va ruser en disant à tout le monde des mots doux, tout en continuant à maintenir son pays en état et en ordre avec l’argent russe ».

Le Bélarus est le principal débiteur de la Russie, avec une dette qui s’élevait à 7,52 milliards de dollars fin 2018. Ils sont membres d’une union censée aboutir  progressivement à une « fusion » entre les deux pays.

M. Loukachenko a pour habitude de jouer habilement des pressions pour obtenir des concessions de Moscou ou de l’Union européenne, qui a levé en grande partie en 2015 ses sanctions après la remise en liberté de prisonniers politiques.

En visite en Russie en février, M. Loukachenko a insisté sur la « souveraineté » de son pays face à son homologue Vladimir Poutine, tout en prônant une amélioration des relations entre les deux pays qui traversent aussi des périodes de tension régulières.

Dernière en date : les deux pays se sont opposés sur une modification par la Russie de sa fiscalité, d’une manière défavorable pour le Bélarus, qui lui reproche des pressions financières visant à maintenir sa domination. Moscou, de son côté, estime ne pas avoir à subventionner Minsk sans contrepartie.

Selon des analystes, le voyage de John Bolton dans l’ex-URSS vise à chercher des « points faibles » aux frontières russes.

Le conseiller américain s’est entretenu mercredi en Ukraine avec le président  Volodymyr Zelensky, insistant sur l’« intégrité territoriale » de l’Ukraine, face à un conflit armé l’opposant à des séparatistes prorusses, soutenus par Moscou, selon Kiev et les Occidentaux.

Jeudi, M. Bolton avait rencontré en Moldavie  le président prorusse Igor Dodon et la première ministre pro-européenne Maia Sandu.