(Reims) L’épilogue d’une affaire hors normes : le Français Vincent Lambert, patient en état végétatif depuis presque 11 ans, est décédé jeudi dans un hôpital de Reims, huit jours après l’arrêt de ses traitements, un cas devenu le symbole du débat sur la fin de vie en France.

«Vincent est décédé à 8h24 ce matin», a annoncé François Lambert, neveu de cet ancien infirmier de 42 ans victime d’un accident de la route en 2008, informé par le médecin traitant.

«L’affaire Vincent Lambert se termine aujourd’hui», a-t-il ajouté plus tard lors d’un point presse à Paris. «C’est un soulagement. Ce n’est pas triste (..) c’est un peu le rationnel qui prend le dessus», car «c’était un être humain en souffrance, il fallait arrêter ses traitements, des coups de théâtre à répétition qui n’ont pas servi à grand-chose», a-t-il encore estimé.

L’épouse du patient, Rachel Lambert, est «abattue» par des «années de procédure», «d’acharnement thérapeutique» et de «lutte» pour faire entendre «les volontés de son époux» a déclaré son avocate, Me Sara Nourdin.

En revanche pour les avocats des parents Lambert, ce décès est un «crime d’État» : «Vincent est mort, tué par raison d’État et par un médecin qui a renoncé à son serment d’Hippocrate» ont déclaré dans un communiqué Me Jean Paillot et Jérôme Triomphe, avocats de Pierre et Viviane Lambert, opposés depuis des années à l’arrêt des traitements de leur fils.

La justice française a d’ailleurs annoncé dans l’après-midi l’ouverture d’une enquête en «recherche des causes de la mort», a indiqué le procureur de Reims, Matthieu Bourrette qui a également saisi la police judiciaire de Reims.  

Une autopsie du corps devrait être pratiquée à Paris pour démontrer que Vincent Lambert n’a pas succombé à l’injection de produits létaux par les médecins, qui auraient bien respecté le protocole fixé par la loi.

Le Vatican a fait part jeudi dans un communiqué de sa «douleur» à l’annonce de la mort de Vincent Lambert, qualifiée de «défaite pour notre humanité» par l’Académie pontificale pour la défense de la vie.

Le 2 juillet, le docteur Vincent Sanchez, chef de service de soins palliatifs du centre hospitalier universitaire de Reims, avait engagé un nouvel arrêt des traitements, effectif depuis le 3 au soir, un processus rendu possible le 28 juin par la Cour de cassation. Outre l’arrêt de l’hydratation et de l’alimentation par sonde, le protocole médical prévoyait notamment une «sédation profonde et continue».

«Confusion»

Cette annonce met un terme à un long et douloureux feuilleton judiciaire et médiatique qui a vu la famille de Vincent Lambert se déchirer.

D’un côté les parents, fervents catholiques hostiles à un arrêt des traitements, soutenus par leurs avocats et plusieurs associations. Ils estimaient que Vincent était handicapé et non «pas en fin de vie» et demandaient son transfert dans un établissement spécialisé.

De l’autre, son épouse, son neveu François et six frères et sœurs dénonçaient un «acharnement thérapeutique». Selon eux, Vincent leur avait confié oralement préférer mourir que de vivre «comme un légume», bien qu’il n’ait jamais laissé de directive anticipée.

«C’est un immense gâchis», a ainsi réagi Me Claire Le Bret-Desaché, avocate des parents au Conseil d’État. Selon elle, cette affaire «a montré les limites de la loi Clays-Léonetti», dont l’application pourrait à terme «accorder aux médecins un droit de vie ou de mort sur des personnes lourdement handicapées».

Cette loi adoptée en France en 2016 interdit l’euthanasie et le suicide assisté mais autorise l’arrêt des traitements en cas «d’obstination déraisonnable».

Selon l’avocat de François Lambert, Me Gérard Chemla, «il faut tirer des conséquences au plan juridique» et «être plus courageux dans la façon dont on aborde la fin de vie».  

«Imbroglio judiciaire»

La sœur de Vincent, Marie, s’était entretenue lundi avec le Dr Sanchez qui lui avait réaffirmé avoir «la certitude» que «Vincent ne souffrait pas», grâce notamment «aux produits administrés».

Depuis six ans, cette affaire s’était enlisée dans un interminable imbroglio judiciaire, les deux camps se répondant par recours successifs.

Malgré de nouvelles tentatives pour interrompre le processus, dont une prise de parole devant l’ONU à Genève pour lancer «un appel au secours», les parents de Vincent ont finalement vu leurs espoirs s’envoler.

Après une plainte déposée par les avocats des parents, le parquet a ouvert en France une enquête préliminaire pour tentative d’homicide volontaire.