Un ex-membre de la Brigade de sapeurs-pompiers de Paris salue le travail de ses anciens collègues

Tous les matins à 8 h, les pompiers de Paris sont en tenue d’intervention avec le casque sur la tête et « ils montent la planche ». L’expression signifie que chacun d’eux doit se hisser sur une planche placée à 2,20 m du sol, grâce à une traction des bras. La réussite de cet exercice de force et d’agilité est le signal que les pompiers sont prêts à l’action.

Pour Gary Cheval, un ex-membre de la Brigade de sapeurs-pompiers de Paris (BSPP) et aujourd’hui formateur, notamment au Québec, la montée de la planche illustre la discipline exigée pour exercer ce métier. Une discipline qui a fait la différence lors de l’incendie qui a éventré la cathédrale Notre-Dame de Paris lundi soir, croit-il.

Regardez une vidéo de la montée de la planche (YouTube).

« La Brigade, c’est la rigueur. La rigueur dans tout : le sport, l’entraînement, le travail et les connaissances. Si j’ai accepté de vous parler des pompiers de la Brigade, c’est qu’ils ont besoin d’être mis en valeur. On doit les connaître, un peu comme les pompiers de New York après le 11-Septembre. Ils ont été des héros », affirme Gary Cheval en entrevue hier avec La Presse.

Soldats du feu

La rigueur dont parle M. Cheval est intimement liée aux règles militaires, selon lui. La BSPP est en effet une unité de l’Armée de terre française, placée sous l’autorité du préfet de police de Paris. Elle a été créée en 1811. Il existe également le Bataillon de marins-pompiers de Marseille, composé là aussi de militaires responsables du service municipal de protection des incendies. Partout ailleurs dans le pays, des pompiers professionnels comme au Québec combattent les incendies.

Les techniques de travail des uns et des autres ne diffèrent pas tellement. Les pompiers d’ici peuvent apprendre des Français et vice versa, estime Gary Cheval. C’est plutôt le caractère militaire de la BSPP, et de tout ce que cela sous-tend en termes d’engagement et de respect de la hiérarchie, qui explique la réputation exceptionnelle des pompiers de Paris, estime M. Cheval. C’est aussi ce qui explique les applaudissements spontanés de la foule rassemblée lundi soir sur la rive de la Seine, lors des passages de camions de pompiers. La population sait que ces militaires sont entièrement dédiés à leur travail et prêts à exposer leur vie, si nécessaire, souligne-t-il.

« La Brigade a payé un gros tribut ces derniers temps », laisse tomber M. Cheval. Au cours des derniers mois, un jeune pompier de la BSPP est mort poignardé lors d’une intervention, et deux autres ont perdu la vie lors d’une explosion de gaz.

« La Brigade, c’est un symbole et une fierté en France. »

C’est aussi la garantie d’un entraînement exigeant, de personnes qui apprennent l’humilité du métier, l’importance du travail d’équipe, la fraternité, le partage aussi. « On partage tout entre militaires. » Et tous les jours, ces soldats du feu doivent faire deux heures de sport et deux heures d’entraînement des techniques pour combattre les flammes.

Alors qu’un incendie éclatait dans la toiture de Notre-Dame de Paris lundi soir, la BSPP était prête à intervenir ; 400 pompiers ont bravé le danger pendant toute la nuit. Pour éteindre le brasier, ils ont pompé l’eau directement dans la Seine, à proximité du prestigieux monument. Cela n’étonne pas M. Cheval.

« C’est logique. Même à Montréal, ça pourrait arriver. Un moment donné, le réseau d’eau sature si on lui en demande trop », explique-t-il avant de suggérer que cette façon de faire a certainement été prévue avant même qu’il ne se passe quelque chose. « Tout est envisagé à Paris. Il y a des plans stratégiques pour chaque bâtiment. Il n’y a rien de laissé au hasard. »

Selon Gary Cheval, la première caserne qui est intervenue à la cathédrale devait connaître tous les points névralgiques de l’édifice et où se trouvait le danger. Mais si la connaissance théorique est importante, les difficultés et les imprévus ont été nombreux. C’est le cas du plomb qui s’écoulait sur les pompiers et du vent qui s’engouffrait par le toit et qui accélérait les flammes.

Opération courageuse

Quant au général Jean-Claude Gallet qui dirige la BSPP, M. Cheval n’a que des éloges à lui faire. Selon lui, il s’agit d’un vrai leader qui a fait preuve de courage en dirigeant une telle opération. C’est sous le commandement du général Gallet que dix pompiers sont entrés dans la cathédrale enflammée pour sauver les œuvres qui s’y trouvaient. Les pompiers-soldats se sont exécutés avec succès.

Gary Cheval salue ce lien de confiance. 

« À la Brigade de sapeurs-pompiers, quand un chef dit quelque chose, on sait qu’il a les connaissances. C’est pour ça qu’on le suit. Il n’y a pas de problème. À Notre-Dame, ils y sont allés les yeux fermés. »

Gary Cheval reconnaît qu’il aurait bien aimé être là par solidarité, pour « aider les copains ».

Les pompiers de Paris reçoivent une formation de huit mois intensifs, loin de la famille. Et ils sont mis à rude épreuve. « Pendant toute la formation au Fort de Villeneuve-Saint-Georges, on n’a pas le droit de marcher. On doit toujours courir. Tout déplacement doit se faire en courant », raconte M. Cheval avec le sourire.

Une fois embauchés, les pompiers de la BSPP demeurent des militaires dont la vie est marquée par les rituels patriotiques. « Tous les lundis matin, il y a l’appel des morts au feu. On monte les couleurs du drapeau français avec l’hymne national dans toutes les casernes de France. Au garde à vous, on cite tous les collègues morts lors d’une intervention, relate Gary Cheval. C’est comme les 343 pompiers qui sont morts le 11 septembre 2001. Eux montaient alors que tout le monde descendait. Il ne faut pas les oublier, ces gens-là. Les pompiers de Paris et les pompiers en général méritent qu’on leur rende hommage. »