(Paris) Deux jours après l’incendie qui a ravagé Notre-Dame de Paris, les autorités françaises ont annoncé l’ouverture d’un concours international d’architectes pour tenir le «défi immense» de reconstruire la cathédrale en cinq ans, comme promis par Emmanuel Macron.

Pour marquer symboliquement le choc ressenti lundi soir à travers le pays, les cloches de la centaine de cathédrales de France ont retenti pendant plusieurs minutes à partir de 12h50, heure à laquelle le sinistre s’est déclaré lundi.

Dans le sillage de la promesse du président Macron, qui a appelé à rebâtir une cathédrale «plus belle encore […] d’ici à cinq ans», les autorités veulent faire vite pour lancer la restauration du monument, le plus visité au monde avec 12 millions de touristes en 2017.

«C’est un défi immense, une responsabilité historique», a déclaré le premier ministre Édouard Philippe à l’issue d’un Conseil des ministres consacré au drame, qui a suscité une vague d’émotion planétaire.

Un «concours international d’architectes» sera lancé, a-t-il annoncé. Il devra notamment «trancher la question de savoir s’il faut reconstruire une flèche, s’il faut la reconstruire à l’identique» de celle imaginée par l’architecte Eugène Viollet-le-Duc au 19e siècle, «ou s’il faut […] se doter d’une nouvelle flèche adaptée aux techniques et enjeux de notre époque».

Le débat s’annonce intense : «Ne pas reconstruire de flèche, ce serait amputer la cathédrale», a réagi l’arrière arrière petit-fils de Viollet-le-Duc, Jean-Marie Henriquet, 76 ans.

Anciens et modernes diffèrent aussi sur le type de matériau à employer pour reconstruire la charpente : bois ou métal? Et pourquoi pas du titane, a suggéré l’architecte Jean-Michel Wilmotte, qui a signé de nombreuses réalisations à l’étranger dont le Musée d’Art islamique de Doha, au Qatar.

Le président des États-Unis Donald Trump, qui s’est entretenu dans la journée avec le pape François, a quant à lui offert l’aide d’experts américains.

Critiques et amertume

Face à ce chantier colossal, les contributions affluent, d’Apple à la Banque centrale européenne, du géant pétrolier Total aux familles fortunées de France, en passant par des milliers d’anonymes, dépassant les 800 millions d’euros.

Pour encourager la générosité, y compris des plus modestes, le premier ministre a annoncé mercredi une réduction fiscale de 75% pour les dons inférieurs à 1000 euros et de 66% au-delà, conformément à la loi en vigueur en France.

Mais cette abondance de dons en un temps record suscite des critiques et une certaine amertume, après cinq mois de crise sociale des «gilets jaunes» dénonçant les bas salaires et l’injustice fiscle.  

L’ex-gilet jaune Ingrid Levavasseur a ainsi fustigé «l’inertie» des grands groupes face à la «misère sociale», tandis que la tête de liste pour les européennes de la gauche radicale, Manon Aubry, appelait les entreprises à «déjà payer leurs impôts plutôt que de médiatiser des dons défiscalisés à 60%».

«Nous devons nous réjouir de ce que des personnes physiques très nombreuses et parfois très modestes, que des personnes physiques moins nombreuses et parfois très riches, que des entreprises souhaitent participer à l’effort de reconstruction», a répondu Édouard Philippe.

Reliques sauvées

AP

Les célèbres gargouilles de Notre-Dame ont été préservées grâce à l'effort des pompiers.

Le chantier pour ce bijou de l’art gothique s’annonce colossal et impossible à chiffrer.  

Outre la flèche, le toit et la charpente se sont effondrés, jonchant la nef de la cathédrale de débris calcinés. Mais l’édifice, vieux de plus de 800 ans, est resté debout.  

Les deux tours emblématiques de la façade ouest ont été épargnées et le coq de la flèche, qui contient des reliques, a été retrouvé dans les décombres.  

La couronne d’épines posée, selon le dogme catholique, sur la tête de Jésus peu avant sa crucifixion et la tunique de Saint Louis ont été sauvées, et la majorité des œuvres d’art abritées au musée du Louvre.  

Une soixantaine de pompiers sont encore déployés sur le site et ont pour mission de «surveiller l’édifice, notamment au niveau des points chauds qui peuvent subsister au niveau des charpentes et de l’échafaudage», a expliqué le porte-parole des Pompiers de Paris. Il s’agit «d’être sûr que le feu ne reprenne pas» dans les endroits «où il a été le plus virulent».

L’enquête en cours privilégie «la piste accidentelle», selon le procureur de Paris, Rémy Heitz. Une trentaine de témoins - ouvriers du chantier et chargés de la sécurité de l’édifice - avaient été entendus mardi par la Brigade criminelle et une dizaine de nouvelles auditions ont eu lieu mercredi. Des enquêteurs ont en outre pu accéder à certains endroits du site et commencer leurs constatations.

Tous les scénarios restent envisageables à ce stade : court-circuit, « point chaud » provoqué par une soudure au chalumeau, cigarette, etc, selon une source proche de l’enquête

Les visiteurs continuaient d’affluer en bord de Seine pour contempler le bâtiment meurtri et se recueillir, en cette Semaine sainte qui mène à Pâques, la fête de la résurrection.