Emmanuel Macron a ravivé mercredi une polémique, récurrente en France, autour du maréchal Philippe Pétain, dirigeant du régime collaborationniste de Vichy, qu'il a qualifié de « grand soldat » pendant la Première Guerre mondiale et qui fera l'objet d'un hommage avec d'anciens militaires, samedi.

Philippe Pétain, frappé d'indignité nationale pour avoir collaboré avec l'Allemagne nazie, sera célébré samedi à Paris, tout comme les sept autres maréchaux de la Grande Guerre, lors d'une cérémonie à laquelle participeront les responsables militaires français, à l'occasion du centenaire de la fin de la Première Guerre mondiale.

Un hommage qu'a justifié le président français mercredi, expliquant que le maréchal Pétain avait été pendant ce conflit « un grand soldat », avant de conduire « des choix funestes » pendant la Seconde Guerre mondiale.

M. Macron, qui mène toute la semaine un périple dans différents lieux historiques de la Grande Guerre, ne sera pas présent à cet hommage et a annoncé qu'il serait représenté par son chef d'état-major.  

« Jusque-là, le Président avait plutôt mis en avant l'expérience collective des soldats, leurs engagements et leurs souffrances. Pourquoi revenir au culte étroit des chefs militaires, largement discuté et discutable ? », s'interroge Nicolas Offenstadt, historien spécialiste de la Première Guerre mondiale.

Figure duale, le maréchal Pétain a d'abord fait partie des militaires de premier plan lors de la Première Guerre mondiale.  

Mais au cours de la Seconde Guerre mondiale, il prit le commandement du régime de Vichy, du nom de la ville du centre de la France où il se réfugia, assurant de 1940 à 1944 le gouvernement du pays et une collaboration active avec l'occupant allemand, se livrant notamment à des rafles massives dans la population juive. Cette politique fit 10 000 à 15 000 morts et 80 000 déportés civils.

« Il n'y a pas matière à polémique, c'est une cérémonie qui se déroule pour les maréchaux, pas pour Pétain spécifiquement », affirme Pierre Servent, spécialiste des questions de défense et auteur du livre Le mythe Pétain.

« On peut à la fois dire que d'un côté, Pétain était extrêmement brillant, lucide et intelligent pendant la Première Guerre mondiale et un personnage qui s'est ensuite fourvoyé complètement dans les fourgons de la collaboration », poursuit-il.  

« Peut-on rendre si facilement un hommage public au Pétain de 14-18 sans évoquer aussi son rôle à la tête du régime de Vichy ? Cela me semble plus que discutable », nuance de son côté l'historien Nicolas Offenstadt. 

Polémiques récurrentes

Si l'exécutif français assure que toute polémique sur ce sujet est « mauvaise » et « vaine », les réactions se multipliaient en France mercredi.

Le Conseil représentatif des institutions juives de France (CRIF) s'est dit « choqué » et plusieurs élus, surtout de gauche, ont protesté.

« #Pétain est un traitre et un antisémite. Ses crimes et sa trahison sont imprescriptibles. Macron, cette fois-ci, c'est trop ! L'Histoire de France n'est pas votre jouet », a par exemple tweeté le leader de la France Insoumise (gauche radicale), Jean-Luc Mélenchon.  

Les polémiques autour de Pétain ne sont pas récentes : dès 1951, son inhumation avait déjà suscité la controverse entre partisans et détracteurs du maréchal.

Les premiers exigeaient qu'il repose à l'ossuaire de Douaumont, au milieu des milliers de soldats tombés à Verdun, l'une des batailles emblématiques de la Grande Guerre. En vain.  

Quelques années plus tard, Charles de Gaulle devenu président, arguera que Douaumont est « pour jamais, un monument d'union nationale que ne doit troubler rien de ce qui, par la suite, divisa les survivants ».

En 1992, le président français de l'époque François Mitterrand avait renoncé à fleurir la tombe du maréchal comme il le faisait chaque année depuis 1984, une tradition qui suscitait notamment la réprobation des organisations juives.  

Son successeur, Jacques Chirac, avait ensuite définitivement mis fin à ce geste.  

Ces dernières années, certains cadres de l'extrême droite française ont tenté de réhabiliter le nom de Pétain, à l'image de Jean-Marie le Pen qui estimait par exemple en 2015 que l'on avait « été très sévère avec Pétain », à la fin de la Seconde Guerre mondiale.

En 1945, Philippe Pétain avait été condamné à mort à l'âge de 89 ans. Il avait bénéficié de la clémence du général de Gaulle qui avait commué sa peine en prison à perpétuité qu'il avait purgée dans un petit fort de l'Ile d'Yeu.

Il y repose toujours, sous une dalle de granit blanc, sobrement marquée « Philippe Pétain, maréchal de France ».