L'entrée de l'extrême droite dans la nouvelle coalition au pouvoir en Autriche est un tournant «dangereux», a déclaré lundi le Haut-Commissaire aux droits de l'homme de l'ONU, mettant en garde contre «l'exploitation de la peur» en Europe.

Zeid Ra'ad Al Hussein déplore une «érosion» générale sur le plan des droits de l'homme dans le monde.

Il a dénoncé l'«extrême barbarie» des conflits en Syrie et au Yémen et a accusé la Birmanie d'avoir planifié la sanglante répression contre la minorité musulmane des Rohingyas, qui selon lui pourrait s'apparenter à un «génocide».

Assis dans son spacieux bureau de Genève, ce diplomate jordanien de 53 ans a exprimé son inquiétude au sujet des récents évènements survenus en Autriche.

Il a estimé que la décision du nouveau chancelier Sebastian Kurz de se rallier à des positions d'extrême droite, notamment sur l'immigration, pour gagner des voix marque «un dangereux développement (...) dans la vie politique en Europe».

Le gouvernement conservateur, qui a été investi lundi, comprend six ministres issus du Parti de la liberté d'Autriche (FPÖ, extrême droite), notamment à l'Intérieur, à la Défense et aux Affaires étrangères.

M. Kurz, 31 ans, a remporté les élections législatives d'octobre à la tête du parti conservateur ÖVP, devenant le plus jeune dirigeant du monde.

«Je suis perturbé par ce qui est arrivé en Autriche», a déclaré M. Zeid, accusant le nouveau chancelier d'avoir basculé «vers l'extrême droite sur la question de l'immigration (...) afin d'attirer à lui des voix qui jusqu'alors se portaient sur le Parti de la Liberté et remporter la chancellerie».

«Total opportunisme» 

M. Kurz, a-t-il dit, a fait preuve d'un «total opportunisme» et représente un exemple dangereux pour d'autres responsables politiques en Europe.

«C'est un développement dangereux».

Le Haut-Commissaire a sévèrement critiqué les responsables politiques européens qui seraient tentés d'«exploiter la peur en tant que moyen d'arriver au pouvoir».

Il a mis en garde contre «une sorte d'ethno-nationalisme» en Europe, qui rappelle l'époque ayant précédé la Première guerre mondiale. «Nous n'avons qu'à revenir 104 ans en arrière et nous y sommes», a-t-il dit.

L'Europe n'est pas la seule région séduite par la rhétorique populiste.

M. Zeid a de nouveau mis en garde contre les attaques répétées du président américain Donald Trump visant les médias qui risquent de déclencher des violences contre les journalistes.

Et il a relevé que les commentaires de M. Trump «semblent faire des émules dans d'autres pays».

REUTERS

Sebastian Kurz

Possible «génocide» 

La Birmanie est l'un de ces pays où les «fake news» ont été brandis pour rejeter des informations gênantes sur la campagne de répression des musulmans Rohingyas, qui a fait des milliers de morts et poussé à l'exil plus de 655 000 personnes depuis le mois d'août.

Les autorités birmanes ont toujours démenti avoir commis des atrocités dans le nord de l'État Rakhine, foyer des Rohingyas, affirmant que l'armée n'avait fait que répondre à des attaques de rebelles musulmans contre des postes de police le 25 août, qui ont provoqué la mort d'une douzaine de policiers.

Mais pour le Haut-Commissaire, il n'y a aucun doute sur le fait que la Birmanie a clairement «organisé et planifié ces opérations».

«Vous ne pouvez pas exclure la possibilité d'actes de génocide (...) Vous ne pouvez pas exclure que ça ait eu lieu ou que ça ait lieu», a-t-il dit, ajoutant que ce sera aux tribunaux d'en juger.

Interrogé sur le niveau de responsabilité de la dirigeante birmane et Prix Nobel de la Paix Aung San Suu Kyi, il a estimé que ce sera également aux tribunaux de trancher. «Il existe aussi le crime d'omission», a-t-il rappelé.

M. Zeid espère aussi que les responsables d'atrocités commises en Syrie et au Yémen seront jugés.

«Il n'est pas possible que nous assistions à cette extrême barbarie et que personne n'en soit tenu pour responsable légalement», a-t-il dit.

M. Zeid, qui n'a jamais mâché ses mots pour critiquer des pays, qu'ils soient petits ou puissants, depuis qu'il a pris ses fonctions en septembre 2014, a confié qu'il ne se présenterait pas pour un second mandat en août prochain.

«Je vais me consacrer à d'autres sujets», a-t-il dit, ajoutant qu'il pensait que ce poste ne devrait être attribué que pour un seul mandat afin d'éviter des pressions.

AFP

Zeid Ra'ad Al Hussein