Plus de 7000 policiers, soldats et membres de ministères ont été limogés en Turquie à la veille des commémorations du putsch manqué du 15 juillet 2016 contre le président Recep Tayyip Erdogan.

De façon quasi simultanée, le prédicateur Fethullah Gülen, qu'Ankara désigne comme le cerveau du coup d'État avorté, dénonçait des États-Unis où il vit la «chasse aux sorcières» menée par les autorités turques.

Au total, 7563 personnes ont été limogées par le biais d'un nouveau décret publié vendredi dans le cadre de l'état d'urgence en vigueur depuis un an, selon l'agence de presse officielle Anadolu.

En outre, les autorités ont dégradé 342 militaires à la retraite, ajoute la même source.

Accusant le prédicateur Fethullah Gülen d'être derrière le putsch, ce que nie l'intéressé, Ankara traque inlassablement ses sympathisants depuis un an : 50 000 personnes ont été arrêtées, plus de 100 000 limogées.

En tout, 4000 magistrats ont été radiés et l'armée turque, la deuxième de l'OTAN, est affaiblie, avec le limogeage -jusqu'au décret de vendredi - d'au moins 150 généraux.

Dans un communiqué publié des États-Unis, le prédicateur a dénoncé un «putsch abject» et condamné la «persécution sans précédent» contre son mouvement «Hizmet» («Service» en turc).

«Malheureusement, dans la foulée de cette tragédie, on a porté atteinte à bien trop d'innocents. Illégalement limogés, arrêtés, emprisonnés et même torturés. Tous sous l'ordre du gouvernement», a tonné M. Gülen, qui vit en Pennsylvanie (est des États-Unis) depuis des années et dont la Turquie réclame l'extradition.

Il a encore accusé le «gouvernement de mener une chasse aux sorcières pour éliminer quiconque est considéré comme déloyal au président Erdogan et à son régime».

Face aux critiques, les autorités turques affirment que des mesures sont nécessaires pour nettoyer les institutions des partisans des réseaux gulénistes.

Commémorations

Session parlementaire extraordinaire, discours nocturne et hommages aux «martyrs» : la Turquie commémore samedi la tentative de putsch.

Signe de l'importance historique pour les autorités de la mise en échec du coup d'Etat, les dirigeants et médias désignent cet événement par l'expression «épopée du 15 juillet», narrant à l'envi les «exploits» de ses «héros» et le «sacrifice» de ses 249 «martyrs» décédés.

Des affiches, qui portent le logo de la présidence turque, ont également fait leur apparition ces derniers jours sur les panneaux publicitaires de villes turques montrant des dessins de citoyens confrontant des soldats putschistes.

L'un des dessins montre un militaire les mains sur la tête, la détresse se lisant sur son visage, au moment où il fait face à une foule en colère.

Mais ces dessins ont déplu dans certains cercles qui jugent que les images en question dénigrent l'armée, dans un pays où celle-ci est considérée comme un pilier de la Turquie moderne.

Le premier ministre turc Binali Yildirim a rétorqué que les soldats ayant participé à la tentative de coup d'État «ne (représentaient) pas l'armée», mais étaient «des terroristes déguisés dans des tenues de soldats».

Si la déroute des putschistes est saluée par M. Erdogan comme une victoire démocratique, les purges lancées depuis par les autorités ont suscité l'inquiétude des partenaires occidentaux d'Ankara et d'organisations de défense des droits de l'Homme.

Outre les personnes limogées elles-mêmes, une source diplomatique européenne estime qu'«environ un million de personnes sont touchées directement ou indirectement par les purges».

En effet, une fois radiées, ces personnes perdent toute source de revenu, souvent leur domicile, ainsi que toute protection sociale pour elles et leurs proches, selon l'organisation Amnistie internationale.

Photo archives AFP

L'ex-prédicateur Fethullah Gülen continue de nier toute implication dans le coup État avorté de la mi-juillet.