Une ronde critique de négociations menée sous l'égide des Nations unies au cours des derniers jours n'a pas permis de dénouer le conflit chypriote, qui perdure plus de 40 ans après la partition de facto de l'île.

Le secrétaire général de l'ONU, António Guterres, s'est dit « profondément déçu » hier matin que la rencontre tenue en Suisse avec les principaux acteurs de la crise chypriote n'ait pas permis d'en arriver à une entente, malgré leur « détermination » à réussir.

Il avait dit avoir bon espoir avant la tenue du sommet qu'un accord était à portée de main.

L'ultime séance de pourparlers a apparemment été arrêtée à deux heures du matin après que les esprits se furent échauffés et que des cris eurent fusé.

« C'était très émotif... Beaucoup de personnes pensaient que les pourparlers seraient un succès », a commenté hier Hubert Faustmann, professeur de science politique installé à Nicosie.

« L'histoire jugera sévèrement les personnes qui sont responsables de cet échec. »

L'ÉPINEUSE QUESTION DE LA SÉCURITÉ

La question de la sécurité, particulièrement délicate, s'est avérée la principale pierre d'achoppement entre les communautés grecque et chypriote de l'île.

La Turquie, qui a envahi le nord de l'île en 1974 pour contrer un coup d'État visant à rattacher Chypre à la Grèce, maintient un contingent de plusieurs dizaines de milliers de soldats sur place.

M. Faustmann note que le gouvernement turc, qui agit depuis des décennies comme garant de la sécurité de l'île avec la Grèce et la Grande-Bretagne, a offert dans le cadre des pourparlers de retirer la majeure partie de ses troupes tout en conservant un contingent restreint de moins de 1000 soldats légèrement armés.

Le professeur note que le camp grec a adopté une approche « maximaliste » sur ce plan, exigeant de son côté le départ, avec un échéancier précis, de l'ensemble du contingent turc, sans exception.

Athènes avait apparemment convenu en contrepartie du principe d'une présidence tournante au sein d'une nouvelle fédération chypriote réunissant les deux parties de l'île.

ÉLECTION À VENIR

Une concession du camp grec sur le maintien de soldats turcs, même en petit nombre, risquait de s'avérer problématique pour le président chypriote grec, Níkos Anastasiádis, qui devrait faire ratifier toute entente globale sur le conflit par référendum.

« Toute présence permanente des soldats turcs est vue [par les Chypriotes grecs] comme un rappel de l'agression de 1974 et le point de départ d'une nouvelle invasion turque », explique M. Faustmann, qui se désole de constater qu'une occasion historique a été manquée.

La population chypriote grecque doit se rendre aux urnes l'année prochaine dans le cadre d'une élection présidentielle et le report au pouvoir de M. Anastasiádis est loin d'être garanti, dit le professeur. Un candidat opposé aux pourparlers pourrait être déclaré gagnant, reportant pour des années la recherche d'une solution négociée.

Même en cas de victoire, M. Anastasiádis aura fort à faire pour débloquer le dossier puisque la communauté internationale lui demandera ce qu'il peut faire comme concessions additionnelles sans susciter l'ire de la population qu'il représente, relève M. Faustmann.