L'auteur présumé de l'attentat au camion-bélier de Berlin a été tué dans la nuit de jeudi à vendredi lors d'un contrôle policier « par hasard » à Milan, mettant fin à quatre jours de chasse à l'homme à travers l'Europe.

Anis Amri, Tunisien de 24 ans, accusé d'avoir tué 12 personnes et blessé des dizaines d'autres sur un marché de Nöel berlinois lundi, avait fait allégeance au chef du groupe État Islamique, Abou Bakr al-Baghdadi, selon une vidéo diffusée vendredi par son agence de propagande.

Le jeune homme, arrivé récemment en train selon les médias italiens, avait été repéré devant la gare milanaise de Sesto San Giovanni vers 3 h par une patrouille de police qui l'a arrêté pour un contrôle d'identité, a raconté le ministre italien de l'Intérieur, Marco Minniti.

Anis Amri semblait tranquille quand les policiers qui pensaient mener un simple contrôle d'identité lui ont demandé d'ouvrir son sac à dos. Mais, tout à coup, il en a sorti un pistolet et a tiré, blessant légèrement l'un des policiers à l'épaule. Le second, policier depuis peu, a alors ouvert le feu, blessant mortellement le suspect.

« Cela semble absurde qu'un terroriste de ce genre ait été trouvé par hasard au cours d'un banal contrôle, mais c'est la réalité », a assuré le préfet de police de Milan, Antonio de Iesu.

« Il avait très peu d'effets personnels sur lui, aucun papier, c'était un fantôme » : le pistolet, un petit couteau, quelques centaines d'euros, pas de téléphone... Mais l'analyse des empreintes digitales ne laisse « pas l'ombre d'un doute » sur son identité.

L'Allemagne « soulagée »

Dans son sac, les enquêteurs ont trouvé aussi un billet de train montrant qu'il était monté à Chambéry, dans l'est de la France, et passé par Turin avant d'arriver dans la nuit à Milan, selon des médias allemands. La police italienne a simplement confirmé qu'il avait transité par la France.

À Berlin, le gouvernement s'est dit « soulagé », alors que la police allemande recherchait le suspect en vain depuis plusieurs jours, multipliant les perquisitions.

La chancelière Angela Merkel a estimé que le danger « immédiat » était écarté, mais que la menace terroriste restait présente, « comme depuis plusieurs années ».

Avant de s'installer en Allemagne en juillet 2015, Anis Amri avait passé quatre ans en Italie après être arrivé de Tunisie sur l'île de Lampedusa. Condamné pour avoir mis le feu à une école, il a passé plusieurs années en prison en Italie.

La justice allemande avait lancé officiellement jeudi un mandat d'arrêt contre ce demandeur d'asile tunisien débouté, dans le sillage d'un avis de recherche européen.

Ses empreintes digitales avaient été retrouvées sur le poids lourd précipité dans la foule lundi soir à Berlin. Et un document d'identité lui appartenant a été découvert dans la cabine du camion.

L'homme avait pris la fuite, probablement armé, après l'attentat.

« Échec systémique »

En Allemagne, la polémique enfle sur les conséquences à tirer de l'attentat berlinois, qui a mis en évidence des dysfonctionnements inquiétants de l'administration et de la surveillance policière à tous les niveaux.

Anis Amri était depuis longtemps connu pour sa radicalisation islamiste et sa dangerosité et n'a pourtant jamais été ni interpellé, ni expulsé bien que sa demande d'asile ait été rejetée en juin 2016.

Et le jeune Tunisien n'a jamais réellement été inquiété alors qu'il faisait l'objet d'une enquête judiciaire pour soupçon de préparation d'attentat. Il a circulé dans le pays en utilisant de multiples identités.

Un expert du djihadisme, Peter Neumann du King's College de Londres, parle d'un « échec systémique ». « Il faudra se poser des questions de fond » sur les mécanismes de l'antiterrorisme en Allemagne, a-t-il estimé.

La police allemande a été vivement critiquée aussi pour avoir focalisé son attention, pendant les 24 heures qui ont suivi l'attentat, sur un suspect pakistanais finalement mis hors de cause.

Dès mardi matin, les papiers d'Amri avaient été retrouvés, mais l'avis de recherche n'a été lancé que dans la nuit de mardi à mercredi, lui laissant un temps précieux pour disparaître.

Photo fournie par la police allemande/AP

Anis Amri

Ce que l'on sait de l'enquête

Antoine LAMBROSCHINI (BERLIN) - Le principal suspect de l'attentat au camion-bélier à Berlin, le Tunisien Anis Amri, a été tué en Italie vendredi après plus de trois jours de chasse à l'homme européenne. Voici un point sur l'enquête sur cette attaque revendiquée par le groupe État islamique qui a fait 12 morts.

Le suspect tué à Milan

Dans la nuit de jeudi à vendredi, Amri a été repéré devant la gare milanaise de Sesto San Giovanni par une patrouille de police qui l'a arrêté alors qu'il se comportait de manière «suspecte».

L'homme a été abattu lors de ce contrôle de routine car il a sorti «sans hésiter une arme et a tiré sur l'agent qui lui avait demandé ses papiers», a indiqué le ministre italien de l'Intérieur Marco Minniti.

Un ticket de train français a été retrouvé dans son sac à dos, montrant qu'il était auparavant monté dans un train à Chambéry, dans le nord des Alpes en France, et était passé par Turin avant d'arriver dans la nuit à Milan, selon les médias allemands.

Anis Amri, 24 ans, faisait l'objet depuis mercredi minuit d'un avis de recherche à l'échelle européenne après que son document d'identité et son portefeuille ont été retrouvés dans la cabine du camion-bélier.

Un mandat d'arrêt avait été formellement lancé jeudi après que ses empreintes digitales eurent été retrouvées sur le camion utilisé durant le carnage de lundi.

Les autorités allemandes n'ont jamais évoqué de complices éventuels.

Fausse piste

Amri a eu 30 heures pour fuir l'Allemagne. En effet lundi soir, la police s'est focalisée à tort sur un témoignage pour interpeller et interroger 24 heures durant un demandeur d'asile pakistanais finalement libéré mardi soir.

Le portefeuille d'Amir avait pourtant été retrouvé mardi matin. L'avis de recherche européen n'a lui été lancé par l'Allemagne qu'à minuit dans la nuit de mardi à mercredi.

Islamiste notoire

Connu de longue date de la police allemande pour ses liens avec la mouvance salafiste et islamiste, classé «dangereux» et disposant de plusieurs identités, il avait même été visé par une enquête pour «préparation d'un acte criminel grave représentant un danger pour l'État» et surveillé par la police berlinoise de mars à septembre. L'affaire est finalement classée à Berlin faute d'éléments probants.

«Très mobile», selon les autorités allemandes, il a vécu dans les régions de Bade-Wurtemberg (sud-ouest), Rhénanie du Nord-Westphalie (ouest) puis dernièrement à Berlin.

Le Tunisien aurait aussi entretenu des contacts avec un ressortissant irakien de 32 ans, identifié comme Ahmad Abdulaziz Abdullah A., alias «Abou Walaa». Ce dernier a été arrêté en novembre avec quatre complices pour avoir monté un réseau de recrutement pour le compte du groupe EI, selon le parquet fédéral.

Camion polonais

Lundi, selon son employeur polonais, le chauffeur attitré du camion ayant servi à l'attentat est à Berlin pour livrer un chargement. Mais cette livraison est remise au lendemain, si bien que le routier doit rester dans la capitale allemande.

Vers 15 h, il parle brièvement à son épouse et le couple décide de se reparler une heure plus tard, un contact téléphonique qui n'aura jamais lieu. En revanche, selon son patron, les données GPS du camion montrent que le véhicule a été mis en marche mais en ne faisant que de petits mouvements «comme si quelqu'un apprenait à le conduire».

Le poids lourd quitte finalement son stationnement vers 19 h 40, parcourt dix kilomètres environ du nord-ouest vers un quartier très fréquenté de l'ouest de Berlin. Là, il fonce sur la foule rassemblée sur un marché de Noël vers 20 h.

Après 60 à 80 mètres, le camion, au lieu de poursuivre sa course tout droit à travers le marché, dévie sur sa gauche, transperçant un stand, pour s'immobiliser sur l'avenue bordant la place. Cette sortie de trajectoire met fin au carnage. Elle pose aussi des questions.

La police retrouve le chauffeur polonais mort, tué par balle, dans la cabine sur le siège passager. Selon son patron, qui a vu des photos du corps, son employé avait le visage «ensanglanté, tuméfié».

Selon des médias, tenu en respect par une arme sur le siège passager, le conducteur a pu tenter de prendre le contrôle du véhicule et forcer celui-ci à quitter sa trajectoire mortelle.