La «jungle» de Calais transplantée dans le Kent ? Pour convaincre les Britanniques de voter pour un maintien dans l'Union européenne, David Cameron a agité lundi la menace de voir les camps de migrants déménager de France au Royaume-Uni en cas de «Brexit».

L'hypothèse de voir le verger de l'Angleterre envahi par des migrants a été ouvertement envisagée par le premier ministre britannique.

Selon lui, une sortie du Royaume-Uni de l'UE lors du référendum qu'il a promis d'ici la fin 2017 risque en effet de remettre directement en cause les termes du «traité de Touquet» conclu par Londres et Paris en 2003.

Visant à juguler l'immigration clandestine vers le Royaume-Uni, ce traité a conduit à la mise en place de bureaux de contrôle frontalier communs dans les ports de la Manche et de la mer du Nord.

«Certains hommes politiques français dans l'opposition rêvent de déchirer notre excellent accord qui stipule que notre frontière est de leur côté de la Manche», a souligné M. Cameron, ajoutant qu'il ne faudrait «pas leur donner une excuse pour le faire».

«Il n'y a aucune garantie que ces contrôles restent en place si la Grande-Bretagne quitte l'Union européenne. Or sans ces contrôles, rien n'empêcherait des milliers de migrants de traverser la Manche en une nuit pour venir demander asile dans le Kent», a insisté un porte-parole du premier ministre.

Selon l'article 25 du traité, «chaque partie peut y mettre un terme à tout moment» avec prise d'effet «deux ans après la date de ladite notification».

«Un tournant»

Xavier Bertrand, président du parti d'opposition Les Républicains de la région Nord-Pas-de-Calais/Picardie, a aussitôt qualifié de «tournant» la déclaration britannique.

«C'est un tournant, cela montre une prise de conscience de la dimension internationale du problème. C'est l'aveu que la question des accords du Touquet n'est plus taboue», a-t-il affirmé.

Pour la presse britannique, Downing Street, qui veut le maintien dans l'UE, espère «tirer avantage de la crise des migrants sur le continent», comme l'écrit le quotidien conservateur Daily Telegraph.

La question des migrants est extrêmement sensible au Royaume-Uni où la presse multiplie les reportages dans la «jungle» de Calais, où sont bloqués des milliers de candidats à un aller simple vers ce qu'ils considèrent comme l'eldorado britannique.

En invitant la problématique au coeur du débat, David Cameron cherche clairement à prendre le contre-pied des partisans du Brexit qui assurent qu'une sortie de l'UE permettrait au Royaume-Uni de «reprendre le contrôle» de ses frontières.

À en croire M. Cameron, ce serait donc tout le contraire.

Will Straw, l'un des dirigeants du groupe pro-UE «Britain stronger in Europe», a aussitôt relayé le message: «si nous quittons l'UE, il y a un risque très réel que cet accord cesse, rendant moins sûres les frontières de la Grande-Bretagne.»

Pour les partisans d'un Brexit en revanche, le gouvernement cherche à créer des peurs infondées, comme il l'avait fait avant le référendum sur l'indépendance écossaise.

«Le premier ministre brandit cet épouvantail parce qu'il n'a pas réussi à obtenir de l'UE les réformes de fond qu'il avait promises», a assuré Arron Banks, l'un des fondateurs de la campagne «Leave EU».

«Downing Street est en panique», a tranché Vote Leave, l'autre principale plateforme pro-Brexit.

Mais M. Cameron a reçu le soutien de Rob Whiteman, ancien patron de la police britannique des frontières. Il a souligné que le premier ministre avait raison de penser que la France dénoncerait «très certainement» le traité du Touquet en cas de Brexit.

«Avant la signature de ce traité, on avait 80 000 demandes d'asile au Royaume-Uni par an. Aujourd'hui on tourne à environ 30 000, donc on pourrait s'attendre à 50 000 demandes supplémentaires si le traité prend fin», a-t-il dit à la BBC.