Il était loin d'être le favori au départ. Mais tout indique que Jeremy Corbyn, politicien radical reconnu pour son discours tranché et son refus du compromis, pourrait devenir demain le nouveau chef du Parti travailliste (Labour Party) au Royaume-Uni. Cette improbable perspective est loin d'enchanter l'establishment du parti, qui considère Corbyn comme étant beaucoup trop à gauche. Mais d'autres estiment que ce rebelle barbu pourrait être la solution à la crise identitaire du parti, qui ne s'est toujours pas remis de sa cuisante défaite aux dernières élections, remportées par le Parti conservateur de David Cameron. Tour d'horizon.

1983

C'est l'année où cet ancien conseiller municipal a fait son entrée à Westminster, comme député d'Islington North (nord de Londres). Il a depuis été élu sans interruption, mais est toujours resté en marge, en raison de sa nature rebelle et anticonformiste. Il s'est vraiment fait connaître en 2003, quand il a critiqué son propre chef Tony Blair sur sa décision d'envahir l'Irak. Détail majeur: il a aussi remporté cinq fois le titre de «plus belle barbe» de Westminster...

CONTROVERSES

Militant pro-Palestine, antiapartheid et antinucléaire, Jeremy Corbyn n'est pas à un coup de gueule près. Arrêté en 1984 pour avoir manifesté devant l'ambassade de l'Afrique du Sud à Londres, il n'a jamais caché sa sympathie pour la cause irlandaise, allant jusqu'à prendre sous son aile d'anciens prisonniers de l'IRA. Il a aussi été critiqué pour avoir présenté les membres du Hezbollah comme ses «amis» et dénoncé la mise à mort de Ben Laden, ce qui lui a valu d'être surnommé «Jeremy Cor bin Laden».

SURPRISE

Débarqué presque accidentellement dans cette course à l'investiture, Corbyn serait le premier surpris par sa victoire. Son émergence inattendue s'expliquerait entre autres par son discours limpide et son absence totale de langue de bois. «Il semble authentique, alors que ses trois opposants sont plutôt comme des machines», résume Alan Convery, de l'Université d'Édimbourg.

550 000

C'est le nombre de personnes qui pourront voter pour le prochain leader travailliste. Ce chiffre inclut les membres officiels du Labour Party (295 000) de même que les «supporters affiliés» (148 000) et les «supporters enregistrés» (113 000) qui ont payé trois livres sterling pour être admissibles.

SES IDÉES

Pourfendeur des politiques d'austérité et grand défenseur des pauvres, Corbyn s'est notamment prononcé pour l'augmentation des taxes chez les riches, l'abolition des droits de scolarité, la renationalisation de certaines industries et la fin du programme nucléaire britannique. Il aimerait aussi que le Royaume-Uni devienne une république, mais compte tenu de la popularité de la famille royale, dit-il, «ce n'est pas une bataille que je vais mener».

RÉSISTANCE

Convaincus que le Labour Party doit se positionner au centre pour espérer prendre le pouvoir, plusieurs estiment que l'élection de Corbyn serait néfaste pour le parti. Certains ont affirmé qu'ils ne serviraient pas sous ses ordres, alors que d'anciens bonzes du «New Labour», Tony Blair et Alistair Campbell en tête, ont publiquement exprimé leur inquiétude face à cette menace venue du champ gauche. «C'est un outsider... Sa victoire ébranlerait l'establishment travailliste jusqu'à la moelle», résume Andrew Thorpe, professeur à l'Université d'Exeter et auteur d'un livre sur l'histoire du Labour.

TRANSITION?

S'il est élu, on peut se demander comment cette figure polarisante pourra mener à bien la refonte de son parti. Tout dépendra de sa capacité à faire des compromis, ce qui ne semble pas avoir été son plus grand talent jusqu'ici. Certains pensent que sa présence ne sera que transitoire, mais rien n'exclut qu'il s'accroche jusqu'aux prochaines élections, en 2020. Selon un sondage publié mardi par le quotidien The Independent, le deux tiers des Britanniques pensent que Corbyn n'a aucune chance de devenir premier ministre...