La police a bloqué jeudi la «longue marche» entamée par des élus kurdes pour dénoncer le couvre-feu imposé à Cizre (sud-est), théâtre depuis une semaine loin des caméras de violents combats entre armée et rebelles kurdes qui ont fait des victimes civiles.

Partie la veille à pied de la province voisine de Mardin, la caravane conduite par le chef de file du Parti démocratique des peuples (HDP), Selahattin Demirtas, a été stoppée à une vingtaine de kilomètres de la ville, frontalière de l'Irak dans le sud-est à majorité kurde de la Turquie, a constaté un photographe de l'AFP.

«Pour assurer leur sécurité (...), nous ne permettrons pas qu'ils se rendent à Cizre», a déclaré devant la presse le ministre turc de l'Intérieur Selami Altinok, confirmant le maintien jusqu'à nouvel ordre du couvre-feu instauré depuis sept jours.

Selon lui, les affrontements y ont déjà fait entre 30 et 32 morts dans les rangs du PKK, ainsi qu'un civil. Dix combattants rebelles y ont également été arrêtés et de nombreuses armes saisies, a-t-il ajouté.

De son côté, le HDP a affirmé que 21 civils, dont plusieurs mineurs, avaient été tués dans les combats.

Cité par les médias kurdes, un des députés du mouvement retenu à l'intérieur de la ville, Mehmet Ali Aslan, a affirmé que 8 civils avaient été tués par l'armée pendant la seule nuit de mercredi à jeudi. Ce bilan n'a pas été confirmé de sources indépendantes.

Dénonçant le «siège» imposé par les forces de sécurité turques, le parti prokurde a également dénoncé la dégradation des conditions de vie des 120 000 habitants de Cizre, évoquant de «sérieux problèmes d'accès à la nourriture, l'eau, les services de santé» et agité le spectre d'un «massacre de civils».

«Kobané turque»

«Il n'est plus possible de sortir pour acheter du pain, l'eau courante aura bientôt disparu et il n'y a plus d'électricité», a renchéri M. Demirtas devant la presse «À Cizre, 120 000 personnes sont prises en otage par l'État depuis une semaine», a-t-il résumé. Avant de comparer la ville à une «Kobané turque», du nom de la ville kurde de Syrie dont le groupe djihadiste État islamique a vainement fait le siège jusqu'en janvier.

Depuis la fin juillet, les affrontements meurtriers ont repris entre l'armée et le PKK. Ils ont mis un terme aux discussions engagées en 2012 par le gouvernement d'Ankara avec les rebelles pour mettre fin à un conflit qui fait 40 000 morts depuis 1984.

Cette escalade a provoqué de vives tensions dans de nombreuses villes du pays, où les locaux du HDP, dont son quartier général d'Ankara, ont été la cible de manifestants favorables au président islamo-conservateur Recep Tayyip Erdogan qui accusent le mouvement de soutenir les «terroristes» du PKK.

M. Demirtas a accusé mardi le gouvernement d'être à l'origine de ces attaques.

Le chef de l'État a riposté en lui demandant de «choisir entre la démocratie et le terrorisme». La justice a dans la foulée ouvert une enquête contre le chef de file du HDP, notamment pour «apologie d'une organisation terroriste». Le parquet a requis contre lui une peine de 19 ans de prison, selon l'agence de presse officielle Anatolie.

Des élections législatives anticipées sont programmées en Turquie le 1er novembre.