Le chef historique de l'extrême droite française Jean-Marie Le Pen a été exclu jeudi de son parti, le Front national, à l'issue d'un conflit ouvert avec sa fille Marine à qui il avait légué les clés de la formation en 2011.

À 87 ans, le tribun sulfureux, qui avait réussi l'exploit de se hisser au second tour de l'élection présidentielle de 2002, est mis à la porte du FN qu'il a cofondé et dirigé pendant près de 40 ans.

« Indigné » par cette décision, il a déclaré se sentir « piégé », « victime d'un guet-apens », et a annoncé son intention d'introduire un recours en justice pour s'y opposer.

Habitué des saillies racistes et antisémites, qui lui ont valu plusieurs condamnations en justice, Jean-Marie Le Pen a été sanctionné pour une nouvelle série de provocations sur la Shoah jugées pénalisantes pour la stratégie de « dédiabolisation » du FN menée par sa fille.

Son exclusion a été décidée « à la majorité » par les membres du bureau exécutif du FN à l'issue d'une audition de trois heures du patriarche, à laquelle Marine Le Pen n'a pas participé par souci d'impartialité.

« Les membres du bureau exécutif ont souhaité défendre l'intérêt supérieur du mouvement face à un comportement de plus en plus hostile et nuisible », a-t-elle estimé, évoquant une « issue » logique pour quelqu'un qui a « multiplié les fautes ».

Cette mise à l'écart définitive intervient après cinq mois de crise ouverte entre le père et la fille, jalonnée de déclarations fracassantes dans les médias et d'actions en justice.

Au cours de sa longue carrière, Jean-Marie Le Pen a été l'homme du réveil d'une extrême droite jusque-là disqualifiée par les années noires de la Collaboration avec l'Allemagne nazie. Adepte des déclarations-chocs, il s'est imposé dans les années 1980 avec le slogan « les Français d'abord ».

« Ebola », « détail » et autre « félonie »

Depuis son arrivée à la tête du FN, sa benjamine, 47 ans, a pris ses distances avec l'héritage sulfureux légué par son père. Marine Le Pen a cependant conservé la ligne générale du parti, marquée par des positions nationalistes et anti-immigrés.

Cette stratégie de normalisation vise à conforter ses ambitions en vue de l'élection présidentielle de 2017 en France, pour laquelle tous les sondages depuis près d'un an lui prédisent une qualification pour le second tour. Elle lui a également permis de se rapprocher d'autres partis populistes pour former un groupe au Parlement européen.

Mais son père a toujours estimé que le FN n'avait pas intérêt à devenir trop lisse et n'a jamais renoncé aux propos-chocs, allant ainsi jusqu'à dire que le virus Ebola pourrait régler la crise migratoire.

En avril, il a donné une série d'interviews, qualifiant de nouveau les chambres à gaz de « détail » de la Seconde Guerre mondiale, ce qui lui vaut d'être poursuivi en justice pour contestation de crimes contre l'humanité.

Cette goutte d'eau était de trop : déplorant un « suicide politique », Marine Le Pen avait alors engagé une procédure disciplinaire contre lui. En mai, le bureau exécutif du FN, déjà réuni en formation disciplinaire, l'avait suspendu et lancé un congrès par voie postale pour le défaire de son statut de président d'honneur.

Le « menhir » (surnom lié à ses origines bretonnes) avait dénoncé une « félonie » et regretté que sa fille porte son nom. Combatif, il a obtenu en justice l'annulation de ces sanctions pour des questions de procédure.

Marine Le Pen a donc dû reprendre le processus au départ, en convoquant ce jeudi un nouveau bureau exécutif du FN.

Elle espère refermer une crise qui handicape l'extrême droite à quelques mois d'élections régionales, dernier tour de chauffe avant le scrutin présidentiel de 2017. Elle-même sera candidate dans le nord de la France, tandis que sa nièce Marion Maréchal-Le Pen est en lice dans le Sud-Est, deux régions dans lesquelles le FN espère pouvoir gagner.