Réunis en assemblée biennale à Dublin, quelque 400 délégués d'Amnistie internationale ont voté mardi pour la dépénalisation de la prostitution, tant pour les gens qui la pratiquent que pour ceux qui en consomment et en profitent.

La décision a été vivement décriée par une pléthore d'organismes qui demandent, au contraire, la criminalisation de l'achat d'actes sexuels.

«Pour eux, c'est un travail comme un autre. Ils en sont encore là», a commenté mardi soir Patric Jean, porte-parole du mouvement Zéromacho, regroupement d'hommes favorables à la pénalisation de l'achat d'actes sexuels et vivement en désaccord avec l'approche de l'organisme de défense des droits de la personne.

Selon Zéromacho, la prostitution n'est pas un métier, mais bien une forme d'oppression qui n'a rien de libre et éclairé. Et le droit des consommateurs de profiter de la vulnérabilité des autres pour acheter du sexe n'a pas à être protégé. «Mais ça ne change rien pour la France, a ajouté M. Jean. On va continuer à se battre pour notre loi.» Dans ce pays, un projet de loi proposant de criminaliser l'achat d'actes sexuels est en voie d'adoption, et la section française d'Amnistie, comme celle de la Suède, était contre la résolution adoptée.

Protection et encadrement

Mais Amnistie internationale estime que les personnes qui travaillent dans ce domaine subissent discrimination et harcèlement de la part des corps policiers, notamment, et doivent être protégées, encadrées, appuyées. Selon l'organisme, la pénalisation de l'achat d'actes sexuels ne fait que compliquer la pratique de cette activité - sans pour autant l'arrêter - et fragiliser les travailleuses déjà vulnérables.

«Notre résolution recommande qu'Amnesty International développe une politique qui appuie la totale décriminalisation de tous les aspects du travail du sexe consensuel», dit le communiqué diffusé par le groupe en fin de journée, mardi.

«Parler de "travail sexuel consensuel entre adultes", c'est catastrophique», a commenté pour sa part l'historienne féministe française Florence Montreynaud.

Selon les opposants à la décriminalisation, c'est faire fi de la hiérarchie sociale que de voir la prostitution comme une activité libre et consensuelle.

Mais Amnistie internationale soutient que deux ans de recherche et de consultations sur la question, dans les différentes sections de l'organisme, ont mené à la conclusion que c'était la meilleure façon d'aider les personnes prostituées.

Vives discussions

La réunion au cours de laquelle la nouvelle politique a été adoptée se déroulait à huis clos, mais selon les échos relayés par les médias européens, les discussions ont été vives durant le week-end, et le communiqué final souligne que la décision n'a pas été prise à la légère et a entraîné des débats au sein de l'organisme.

Diverses études brandies par les groupes en désaccord avec la nouvelle politique d'Amnistie montrent que la décriminalisation, approche prônée notamment par l'Allemagne et les Pays-Bas, n'a pas amélioré les droits des travailleurs du sexe.

Selon Jessica Neuwirth, fondatrice du groupe féministe international Equality Now, Amnistie fait fausse route. «On détruit totalement le concept même de ce que sont les droits de la personne si cela devient le droit des hommes d'acheter d'autres personnes pour du sexe», a-t-elle déclaré au New York Times.