Le président russe, Vladimir Poutine, a refusé jeudi de parler d'un éventuel successeur, endossant le rôle d'un leader paternaliste y compris à l'égard du «peuple frère» ukrainien, tout en soulignant qu'il ne tolèrerait pas en Russie de manifestations comme à Kiev.

S'exprimant avec une aisance visible lors de sa conférence de presse annuelle, M. Poutine, au Kremlin depuis l'an 2000 avec un intermède au poste de premier ministre entre 2008 et 2012, a voulu montrer qu'il tenait fermement en mains les rênes du pouvoir.

Alors qu'un journaliste lui demandait s'il avait déjà en tête le nom de son éventuel successeur, il a répondu : «Je n'ai rien dit et il n'y a rien à dire».

Il a éludé une question sur les chances de son premier ministre, Dmitri Medvedev, qui fut président lorsque lui-même était chef du gouvernement, de prendre sa suite, se montrant même sévère sur ce dernier.

«Je considère que le travail du gouvernement est satisfaisant», a-t-il dit, ajoutant : «Évidemment, il y a des choses qu'on aurait et qu'il faudrait à mon avis faire de façon énergique, de manière plus efficace, à temps... il y a des choses qui traînent en longueur».

Le président, 61 ans, qui dans le passé n'avait pas exclu de briguer un quatrième mandat lors de la prochaine élection présidentielle en 2018, a toutefois affirmé qu'il n'avait pas l'intention de rester au pouvoir à vie.

«Nous avons une Constitution, et c'est dans le cadre de cette Constitution que les organes du pouvoir se forment. C'est pourquoi nous n'allons rien changer. Je pense que c'est inutile et dangereux pour la stabilité de l'État», a-t-il dit.

Alors que la conférence de quatre heures tournait parfois à une présentation de doléances de la part de journalistes de médias des endroits les plus retirés en Russie, qui lui exposaient des problèmes locaux, M. Poutine prenait des notes et promettait de régler tel ou tel problème, demandant à l'occasion des précisions.

Pas de manifestations à l'ukrainienne à Moscou

L'ex-agent du KGB a aussi endossé les habits de garant de la sécurité et des valeurs du pays.

Il a ainsi exclu des manifestations non autorisées à Moscou à l'image de celles, massives qui agitent Kiev depuis un mois.

«Toute action, quelle qu'elle soit, doit rester dans le cadre de la loi. Si quelqu'un sort de ce cadre, l'État est alors obligé, et je veux le souligner - il ne s'agit pas d'une volonté politique, mais des obligations des organes du pouvoir - de rétablir l'ordre», a-t-il déclaré d'une voix ferme. «Autrement, un tel développement des événements peut mener au chaos».

Il a de nouveau défendu «les valeurs morales traditionnelles» en Russie.

«Il est important pour moi non pas de critiquer les valeurs occidentales, mais de défendre notre population contre certaines pseudo-valeurs que nos concitoyens ont beaucoup de mal à accepter», a indiqué M. Poutine.

Le président russe a ajouté qu'il fallait «se protéger de la conduite assez agressive de certains groupes sociaux qui imposent leur point de vue aux autres de manière assez agressive», dans une allusion apparente aux groupes de défense des homosexuels.

Dans la même veine, il a déploré le comportement «dégradant» des deux jeunes femmes du groupe contestataire Pussy Riot, emprisonnées pour avoir chanté une «prière punk» contre lui dans la cathédrale de Moscou. Celles-ci pourraient bénéficier très prochainement d'une amnistie.

Sur l'Ukraine, il a aussi adopté un ton paternaliste.

«Nous disons souvent que c'est un peuple frère, un pays frère, alors nous devons agir comme des parents proches et soutenir le peuple ukrainien qui est dans une situation difficile», a-t-il dit, interrogé sur les 15 milliards de dollars et une diminution d'un tiers du prix du gaz accordés mardi par la Russie à Kiev.

Vis-à-vis des Occidentaux, M. Poutine s'est voulu rassurant, indiqué que la Russie n'avait pas déployé de missiles nucléaires Iskander dans l'enclave occidentale de Kaliningrad comme l'affirmait un journal allemand. Mais il a assorti cette mise au point d'un avertissement : cette décision n'a pas été prise «pour l'instant», a-t-il dit.

Il a par ailleurs affirmé que les services secrets russes n'avaient jamais interrogé l'ex-consultant des services secrets américains réfugié à Moscou Edward Snowden sur les activités de la CIA et de la NSA.