Le traitement-choc infligé aux migrants à leur arrivée dans le centre d'accueil de Lampedusa a suscité mercredi une vague d'indignation en Italie et en Europe, moins de trois mois après les naufrages qui ont coûté la vie à des centaines d'étrangers.

Dans un reportage diffusé par TG2, le journal de la deuxième chaîne de la télévision publique italienne lundi soir, on voit des réfugiés se mettre à nu dans un espace qui semble en plein air, avant d'être soumis devant les autres à des jets d'un traitement contre la gale.

Ces images, apparemment tournées avec un téléphone portable, ont été prises par un certain Khalid, un réfugié présent au centre depuis 65 jours. «On est traités comme des chiens», commente-t-il en affirmant que le même traitement est infligé aux femmes.

Alors que le monde célèbre mercredi «la journée internationale des migrants», la maire de l'île, Giusi Nicolini, a comparé la structure à un «camp de concentration».

«Les images du centre de Lampedusa sont épouvantables et inacceptables», a commenté la commissaire européenne aux Affaires intérieures Cecilia Malmström, en menaçant Rome de sanctions.

Le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) a demandé au gouvernement italien «des solutions urgentes pour améliorer l'accueil à Lampedusa», rappelant que les nouveaux arrivants sont censés passer un maximum de 48 heures dans ce centre de premier secours, avant de regagner d'autres structures dans le pays.

«La surpopulation permanente est insoutenable. Malgré les efforts des travailleurs humanitaires, l'aide offerte est bien en deçà des minimums acceptables», a commenté Laurens Jolles, son porte-parole pour le sud de l'Europe.

Interrogé à la radio, l'administrateur de la coopérative gérant depuis cinq ans la structure d'accueil de Lampedusa, Cono Galipo, s'est défendu en expliquant qu'il fallait remettre ces images «dans leur contexte».

«Nous avons accueilli trois bateaux dans lesquels des cas de rage étaient fortement suspectés. Normalement, quand la suspicion est faible, le traitement se fait à l'infirmerie, mais quand, comme là, on parle de 104 personnes, on a besoin de locaux adaptés», a-t-il affirmé.

Selon lui, le traitement a duré une heure et demie. «À un moment, des réfugiés se sont impatientés et ont commencé à se déshabiller; ils ont clairement mis en scène ce qu'on a vu ensuite à la télévision», a-t-il ajouté.

Promettant une enquête «approfondie» et «des sanctions contre les responsables», le premier ministre italien Enrico Letta s'est dit «choqué». La présidente de la chambre des Députés, Laura Boldrini, ex-porte-parole du HCR, a jugé ces conditions «indignes d'un pays civilisé».

Première Noire dans un gouvernement en Italie, Cécile Kyenge, ministre de l'Intégration, a jugé que «faire dénuder une personne de la sorte est inhumain».

Les drames de l'immigration ont été inscrits à l'ordre du jour du sommet des dirigeants de l'UE jeudi et vendredi à Bruxelles avec l'examen des actions possibles pour lutter contre le trafic des réfugiés et éviter de nouvelles tragédies.

Début octobre, au moins 400 personnes, dont beaucoup de femmes et d'enfants, ont trouvé la mort dans deux naufrages dans la zone de Lampedusa, première porte d'entrée européenne pour les migrants qui traversent la Méditerranée au péril de leur vie.

Plus de 14 000 migrants ont débarqué à Lampedusa entre le 1er janvier et le 30 novembre.

Alors que le centre ne compte que 381 places, 497 réfugiés, dont une quarantaine d'enfants, y sont actuellement accueillis, selon le Corriere della Sera. La plupart sont syriens et érythréens.

Mardi, la Marine italienne a de nouveau sauvé 110 hommes sur un canot pneumatique en difficulté où elle a récupéré un corps sans vie.