Des centaines de policiers anti-émeutes ukrainiens ont lancé un assaut au petit matin mercredi contre les manifestants pro-européens occupant la place de l'Indépendance à Kiev, galvanisant la mobilisation de l'opposition et provoquant la réprobation des pays occidentaux.

Au moins 10 000 personnes ont afflué malgré l'arrivée massive des forces de l'ordre sur cette place au coeur de la contestation née du refus du président ukrainien de signer fin novembre un accord d'association avec l'Union européenne (UE).

L'opposition a prédit «des millions» de manifestants mercredi contre le président ukrainien Viktor Ianoukovitch, tandis que les États-Unis ont fait part de leur «dégoût» et l'Union européenne de leur «tristesse».

Réunis par centaines aux extrémités de la zone, les policiers ont commencé à repousser les manifestants à l'aide de leurs boucliers peu avant 02h00 locales, ont constaté des journalistes de l'AFP sur place.

Affirmant s'appuyer sur une décision de justice, ils ont franchi les barricades placées en plusieurs extrémités de la place, ensuite démantelées, alors que la foule chantait l'hymne ukrainien et des prières.

Les policiers ont également démonté plusieurs tentes qui avaient été montées sur la place. L'assaut, qui s'est déroulé en grande partie dans le calme, a cependant fait plusieurs blessés, dont un député d'opposition, et entraîné onze arrestations, a indiqué à la presse le leader du parti nationaliste Svoboda, Oleg Tiagnibok.

La police a confirmé avoir interpellé plusieurs manifestants qui lui opposaient résistance et indiqué que dix de ses représentants avaient été blessés.

«Nous ne pardonnerons pas»

La place de l'Indépendance, appelée aussi Maïdan, était déjà le symbole de la Révolution orange de 2004 qui avait abouti à l'arrivée au pouvoir de pro-européens, défaits en 2010 par Viktor Ianoukovitch.

«Nous ne pardonnerons pas. Demain il y aura ici des millions de personnes et le régime coulera», a lancé Arseni Iatseniouk, du parti de l'opposante emprisonnée Ioulia Timochenko.

Il a estimé que le président ukrainien avait «craché à la figure de l'Amérique et des 28 pays de l'UE».

Loin d'être découragés, des milliers de manifestants ont ensuite afflué, faisant bloc pour protéger la place.

«Habitants de Kiev, levez-vous, venez!», a déclaré de son côté une autre figure de la contestation, le boxeur Vitali Klitschko.

Dans une réaction très vive, le secrétaire d'État américain John Kerry a exprimé son «dégoût», face à une décision «ni acceptable ni bonne pour la démocratie».

«La vie humaine doit être respectée. Les autorités ukrainiennes portent l'entière responsabilité de la sécurité du peuple ukrainien», a averti le chef de la diplomatie américaine.

L'opération intervient en pleine mission de conciliation de la chef de la diplomatie de l'Union européenne, Catherine Ashton, qui avait rencontré pendant trois heures le président Vitkor Ianoukovitch mardi.

«J'observe avec tristesse que la police fait usage de la force pour déloger des gens pacifiques», a-t-elle réagi dans un communiqué.

La délégation de l'UE en Ukraine a indiqué «tenter de contacter» les autorités «afin d'empêcher l'usage de la violence contre des citoyens ordinaires».

Contactée par l'AFP, la police a dit «agir en coopération avec les services communaux pour débarrasser les barricades qui bloquent le passage», sans tenter de vider les lieux.

Une fois les manifestants repoussés à distance, des tracteurs et employés en gilets oranges sont venus sur les lieux démonter les barricades.

L'opposition, qui a mobilisé dimanche des centaines de milliers de personnes à Kiev, accuse M. Ianoukovitch de préparer en secret l'entrée de l'Ukraine, en grande difficulté économique et financière, dans l'Union douanière établie par Moscou avec d'anciennes républiques soviétiques.

Leur mobilisation avait été galvanisée par les violences des forces anti-émeutes contre de jeunes manifestants le 30 novembre.

Dans la nuit de lundi à mardi, les forces de l'ordre avaient délogé les manifestants qui tenaient des barricades dans le quartier gouvernemental voisin de la place de l'Indépendance, perturbant le passage au siège du gouvernement ou à la présidence.

L'opération a donné lieu à des heurts faisant selon l'opposition dix blessés parmi les manifestants et selon la police deux représentants des forces de l'ordre.