Six organisations turques de médecins ont déploré jeudi l'usage massif par la police du gaz lacrymogène lors des manifestations antigouvernementales qui ont secoué la Turquie depuis la fin mai. Ils évoquent d'ailleurs deux cas probables de décès liés au gaz et dénoncent son usage comme une «arme chimique».

«Nous avons de sérieuses inquiétudes sur la mort de deux citoyens des suites de leur exposition au gaz lacrymogène, et dont le décès n'a pas été pris en compte dans les statistiques» sur les victimes des heurts, a déclaré le responsable des communications de l'Association des spécialistes en médecine légale, Ümit Biçer.

Les autorités et l'Union des médecins de Turquie (TTB) ont jusque-là fait état de quatre morts lors des incidents. Deux civils atteints par des projectiles à Hatay (sud) et Ankara. Le premier vraisemblablement par une grenade lacrymogène, le deuxième par une balle de pistolet. Un autre est mort écrasé par une voiture à Istanbul et un policier est tombé d'un pont à Adana (sud).

À ce bilan, il faut probablement ajouter la mort d'un homme de 47 ans employé dans une école privée à Ankara atteint de troubles respiratoires après une forte exposition aux gaz lacrymogènes et une femme de 50 ans décédée d'une crise cardiaque à Istanbul dans des circonstances analogues, a indiqué le Pr Biçer.

La police a utilisé le gaz lacrymogène «non comme un moyen de contrôler les foules, mais comme une arme chimique» en tirant des grenades à proximité immédiate des personnes ou dans des lieux clos. Ces deux actes sont proscrits par les conventions internationales, a accusé le médecin.

Quelque 41% des personnes affectées par le gaz se trouvaient à proximité immédiate (moins de cinq mètres) d'une grenade lacrymogène, et 21% étaient dans un lieu clos, a indiqué le Pr Elif Dagli, de la Société turque de médecine thoracique, révélant les résultats d'une enquête auprès de 356 personnes gazées.

Les symptômes constatés chez ces personnes allaient de toux (78%) et de douleurs thoraciques (74%) à des toux accompagnées de crachements de sang (3%), a affirmé Mme Dagli.

Le responsable des communications de l'Association turque de psychatrie, Dogan Sahin, a pour sa part dénoncé un usage du gaz lacrymogène «pouvant s'apparenter à de la torture» aussitôt que l'objectif était «d'infliger une douleur physique et psychologique dans un but de punition» aux manifestants.

Il a évalué à 50 000 le nombre de personnes qui pourraient être victimes de «troubles psychologiques récurrents ou permanents» à la suite de ces interventions policières.

Les heurts en Turquie au cours des trois dernières semaines ont fait au moins quatre morts et 7800 blessés, dont 59 blessés graves, selon le dernier bilan de la TTB, publié jeudi.