Ekaterina Samoutsevitch, membre du groupe Pussy Riot, considère sa récente remise en liberté inattendue comme une victoire et se bat pour la libération des deux autres jeunes femmes condamnées à deux ans de camp pour une «prière» anti-Poutine, a-t-elle indiqué à l'AFP.

«Je me sens bien, mais je suis fatiguée, car sans arrêt sollicitée par des gens qui me demandent de m'exprimer» sur cette affaire, a déclaré Samoutsevitch, enthousiaste, mais les traits tirés lors de cet entretien vendredi à Krasnogorsk, dans la proche banlieue de Moscou.

Ekaterina Samoutsevitch et les deux autres membres du groupe, Nadejda Tolokonnikova, Maria Alekhina, ont été condamnées le 17 août à deux ans de camp pour une «prière punk» contre Vladimir Poutine chantée en février dans la cathédrale du Christ-Sauveur à Moscou, une sanction vivement critiquée en Occident.

Mais au procès en appel le 10 octobre, Samoutsevitch a choisi une nouvelle avocate qui a fait valoir que sa cliente n'avait pas participé à la «prière» punk dans la mesure où elle avait été interpellée une quinzaine de secondes après son arrivée dans l'église avec sa guitare. Un argument qui lui a permis d'être libérée, le tribunal ayant commué la peine de deux ans ferme en sursis.

Ekaterina Samoutsevitch a nié tout sentiment de jalousie ou toute rupture après que les deux autres membres du groupe ont vu leur peine confirmée en appel.

«Étant donné que nous voyons cela en tant que groupe, c'est-à-dire toutes les trois, c'était une victoire. Au moins l'une d'entre nous a été libérée, même si c'était avec une peine avec sursis», a-t-elle dit.

«Nous allons bien entendu nous battre pour que Macha et Nadia soient elles aussi libérées», a-t-elle ajouté en utilisant les diminutifs de ses deux collègues.

«Nous allons faire preuve d'ingéniosité et nous allons nous battre avec des méthodes légales», a-t-elle prévenu.

«La situation s'est nettement dégradée en Russie»

Habillée en jeans bleus, portant des tennis et une veste noire, l'aînée des trois Pussy Riot condamnées, âgée de 30 ans, s'exprime dans une aire de jeu entourée de hauts bâtiments, attirant quelques regards curieux.

Depuis qu'elle a retrouvé la liberté, elle passe son temps à donner des interviews aux médias et à maintenir le contact avec les deux autres Pussy Riot.

«Tous les jours, je leur écris des lettres que je remets à leurs avocats, et elles me répondent. C'est très important de rester en contact», a-t-elle dit.

Au cours des audiences du procès, Samoutsevitch était épuisée. Les jeunes femmes étaient levées à cinq heures du matin pour leur transfert de la prison au tribunal à des heures où Moscou regorge d'embouteillages, dit-elle.

«Parfois, j'étais tellement fatiguée que je ne réalisais pas ce qui se passait», se souvient-elle.

Dénonçant des mauvais traitements, Samoutsevitch a annoncé avoir déposé un recours devant la Cour européenne des droits de l'homme, en s'appuyant sur l'article 3 de la Convention européenne des droits de l'homme sur la torture.

Évoquant ses conditions de détention, elle a décrit une routine: réveil à 06H00, contrôle des cellules, repas et extinction de la lumière à 22 h.

C'était difficile d'être soi-même, a-t-elle dit, même si elle lisait un ouvrage du philosophe français Michel Foucault, apporté par son père.

«Quand vous êtes à quatre dans une petite cellule, il n'y a pas d'espace personnel, vous ne pouvez pas faire ce que vous voulez, vous êtes toujours observé, a-t-elle relevé.

Au cours de ses sept mois de détention, le régime de Vladimir Poutine a durci la législation contre les manifestants et ouvert des enquêtes visant notamment le blogueur anti-corruption Alexeï Navalny et le leader du Front de gauche Sergueï Oudaltsov, deux figures de la contestation les plus en vue.

«Je commence seulement à comprendre ce qui s'est passé au cours des sept derniers mois et, pour être honnête, je constate que la situation s'est nettement dégradée en Russie», dit-elle en évoquant un «resserrement de boulons».

Ekaterina Samoutsevitch pense que les Pussy Riot vont continuer leurs actions, mais peut-être sans elle au premier plan, dans la crainte que sa condamnation avec sursis ne soit transformée en peine ferme en cas de nouvelle infraction.

«Je voudrais bien participer, mais il faut que je sois prudente. Être active au sein du groupe ne signifie pas seulement participer à toutes les représentations», a-t-elle estimé.