La pomme de discorde européenne est revenue hanter lundi le premier ministre britannique David Cameron, écartelé dans son double combat: à Bruxelles pour être associé au règlement de la crise de la zone euro et à Londres pour mater une révolte des eurosceptiques au parlement.

M. Cameron a tenté de dissuader les 60 à 100 députés conservateurs (soit un sur trois, ou cinq) qui menaçaient de voter une motion en faveur de l'organisation d'ici à mai 2013 d'un référendum sur l'Europe. La consultation offrirait trois options: le maintien dans l'UE, la sortie ou une renégociation de liens plus distendus, axés sur le «commerce et la coopération».

«Notre intérêt national est d'être dans l'UE, d'aider à déterminer les règles qui régissent le marché unique, notre plus gros marché pour les exportations puisqu'il absorbe 50% de nos exportations», a-t-il dit à l'ouverture du débat.

«Quand la maison de votre voisin est en feu, votre premier réflexe est d'aider à éteindre l'incendie, au moins pour éviter que les flammes n'atteignent votre propre maison.»

Contraint au grand écart au nom de la Realpolitik, M. Cameron s'est employé à rassurer en rappelant avoir, en 17 mois de pouvoir, stoppé tout nouveau transfert de pouvoirs à Bruxelles, et mis en place «un verrou législatif» rendant obligatoire le recours à un référendum à chaque future velléité d'abandon de prérogatives au profit de Bruxelles. Il a enfin réitéré sa promesse de «rapatrier des pouvoirs», en matière de législation sociale et sur l'emploi notamment.

Le ministre des Affaires étrangères William Hague, lui-même eurosceptique convaincu, s'est fait violence en s'employant à désamorcer la «bombe à retardement» pour les tories. Selon lui, un référendum reviendrait à poser «la mauvaise question au mauvais moment» avec pour effet d'«augmenter l'incertitude économique dans le pays à un moment difficile».

Le vote attendu en début de soirée était purement consultatif, et la motion n'avait aucune chance d'être adoptée. D'autant que l'opposition travailliste et les libéraux-démocrates -alliés des conservateurs au sein de la coalition au pouvoir, et néanmoins europhiles- y étaient hostiles.

Mais la rébellion parlementaire d'ampleur inédite déstabilise M. Cameron. Le leader travailliste Ed Miliband a dit avoir l'impression d'assister à «la répétition d'un vieux film» où les tories s'entre-déchirent, et où M. Cameron «perdrait des amis.» À commencer par le président Nicolas Sarkozy, qui aurait exprimé dimanche son ras-le-bol de «l'intimidation verbale» et du «côté Monsieur je-sais-tout-sur-tout» du chef du gouvernement britannique qui s'est fait le champion des dix pays non-membres de l'euro, mais qui prétendent être associés aux décisions de la zone euro.

M. Cameron a imposé aux conservateurs de voter contre la mesure sous peine de sanctions.

Au grand dam du député tory Philip Davies pour qui «l'avenir de la Grande-Bretagne réside dans les pays émergents tels que la Chine, l'Inde et les nations d'Amérique latine», pas dans «l'UE rétrograde» qui promeut «le business inefficace et les agriculteurs français».

«Ne refusez pas aux Britanniques le droit de répondre à la question au prétexte que vous redoutez leur réponse», a dit un autre conservateur, David Davies, fort d'un sondage dominical assurant que 66% des Britanniques souhaitent un référendum.

La consultation aurait pour effet d'indisposer les lib-dems et de rouvrir les enchères eurosceptiques. Elles ont miné le gouvernement conservateur de John Major dans les années 90, et son successeur travailliste Tony Blair, plus europhile, évoquait la permanence du débat en termes shakespeariens, en 1999: «On revient toujours au même dilemme. Être ou ne pas être en Europe, telle est la question.»