Liliane Bettencourt, héritière du fondateur du géant des cosmétiques L'Oréal et troisième fortune de France, qui serait atteinte de «démence mixte» et de la maladie d'Alzheimer, va être placée sous tutelle, le plus haut niveau de protection judiciaire.

Les avocats de la milliardaire ont fait appel de cette décision, mais l'appel n'est pas suspensif.

La mise sous tutelle remet en cause le mandat d'administratrice du géant des cosmétiques L'Oréal détenu par Liliane Bettencourt, qui fête cette semaine ses 89 ans. Mais la juge des tutelles a choisi lundi de confier l'ensemble des prérogatives de la tutelle à des membres de sa famille.

Liliane Bettencourt va être placée sous la tutelle de son petit-fils aîné Jean-Victor Meyers, ses biens et son patrimoine étant placés sous la tutelle de sa fille Françoise Bettencourt-Meyers et de ses deux petits fils, ont indiqué les avocats des parties, à l'issue d'une audience devant la juge des tutelles de Courbevoie, en région parisienne.

Les trois tuteurs désignés ont aussitôt assuré que la tutelle n'aura pas de conséquence sur la gouvernance et «les équilibres de l'actionnariat» de L'Oréal, insistant sur «l'attachement profond de toute la famille» au géant des cosmétiques.

«A ce stade, on ne fait pas de commentaire», a déclaré à l'AFP une porte-parole du groupe L'Oréal.

Peu avant le début de cette audience, un rapport d'expertise médicale de Liliane Bettencourt a été révélé par le site internet du quotidien Le Monde. Selon ce rapport, Mme Bettencourt souffre d'une «démence mixte» et d'«une maladie d'Alzheimer à un stade modérément sévère», avec «un processus dégénératif cérébral lent».

Selon l'entourage de la milliardaire, ce rapport est celui rendu par les médecins qui avaient accompagné un juge en juin au domicile de Liliane Bettencourt près de Paris, une expertise médicale dont la défense de Liliane Bettencourt a demandé l'annulation. La justice examinera le 10 novembre cette demande.

Dans une interview à l'hebdomadaire Le journal du dimanche (JDD), Liliane Bettencourt a brandi la menace de partir «à l'étranger» si la juge décidait de la placer sous l'autorité de sa fille Françoise. «Si c'est cela, je pars à l'étranger. Si ma fille s'occupe de moi, j'étoufferai», a déclaré la milliardaire.

Interrogé sur un éventuel départ de la troisième fortune de France, le ministre de l'Intérieur Claude Guéant a expliqué n'avoir «pas de conseil à lui donner» mais «ce qui est en cause c'est le caractère français d'un très grand groupe français».

Le patrimoine de Mme Bettencourt est scruté de près par le pouvoir politique qui s'inquiète d'une éventuelle prise de contrôle étrangère de L'Oréal, dont le géant suisse Nestlé est, avec près de 30% du capital, le deuxième actionnaire.

Pendant l'été 2010, Mme Bettencourt a été au coeur d'une tentaculaire affaire politico-fiscale, née d'un conflit familial entre la mère et sa fille unique.

Ce différend avait trouvé son origine dans des procédures lancées par Françoise Bettencourt-Meyers visant l'écrivain-photographe François-Marie Banier qu'elle accusait d'avoir abusé de la faiblesse de sa mère pour obtenir près d'un milliard d'euros de dons dans les années 1990 et 2000.

L'affaire avait débordé sur le terrain politique et conduit au départ du ministre du Travail Eric Woerth pour des soupçons de conflits d'intérêts et de financement illégal.

Début septembre, un livre-brûlot de deux journalistes du quotidien Le Monde a relancé cette affaire: une magistrate y accuse le pouvoir d'avoir fait pression sur des témoins qui auraient vu le président Nicolas Sarkozy recevoir des sommes d'argent en liquide de la famille Bettencourt pour financer sa campagne à l'élection présidentielle de 2007. Des accusations dénoncées comme «mensongères» par la présidence.