Les autorités serbes ont annoncé vendredi l'interdiction de la «Gay pride» (Fierté gaie) prévue dimanche à Belgrade, ainsi que toute manifestation pendant le week-end, invoquant des raisons de sécurité, une décision aussitôt qualifiée de «capitulation» par les organisateurs.

«Nous interdisons tout rassemblement ce week-end, les 1er et 2 octobre. La police empêchera tout rassemblement par tous les moyens», a déclaré le vice-premier ministre et ministre serbe de l'Intérieur, Ivica Dacic, sur la chaîne de télévision B92.

«En raison de ces manifestations, et principalement de ceux opposés à la parade (la Gay pride), on pouvait s'attendre à des atteintes considérables à l'ordre public et à la paix, aux biens, aux sièges des partis politiques, aux ambassades étrangères, aux entreprises. L'objectif était que si la police réagissait fermement, on sombrait dans un chaos généralisé», a expliqué le ministre.

Le président serbe, Boris Tadic, a souligné que «l'État se devait de retarder ou interdire des événements extrêmement risqués. De la sorte, les citoyens, les membres de la communauté gaie, lesbiennes, bisexuelles et transsexuelles (LGBT) sont protégés» et d'éventuelles «pertes humaines» ou violences sont évitées.

Les deux organisations ultranationalistes serbes, Obraz (Honneur) et Dveri, qui avaient annoncé leur intention de manifester ce week-end contre la Fierté gaie, ont indiqué peu après qu'elles renonçaient à leur initiative.

L'un des organisateurs de la Fierté gaie, Goran Miletic, a de son côté déclaré à l'AFP que la manifestation homosexuelle n'aurait pas lieu.

Goran Miletic n'a pas mâché ses mots à l'égard des autorités, parlant de «capitulation de l'État devant les voyous».

Les autorités «avaient dit l'année dernière que l'État était plus fort que les voyous. Mais cette année, elles ont capitulé», a poursuivi M. Miletic.

«Les préoccupations en matière de sécurité ne sont pas la véritable raison (pour interdire la Gay pride). La raison véritable est qu'ils n'en veulent pas. Il s'agit d'un manque de volonté politique», a-t-il conclu.

La Fierté gaie de l'année dernière s'était déroulée au milieu d'un déploiement considérable des forces de l'ordre, mobilisées en raison des menaces proférées les jours précédents contre la communauté homosexuelle.

Des affrontements très violents s'étaient produits entre forces de l'ordre et des groupes de la mouvance ultranationaliste, auxquels s'étaient joints de jeunes partisans de football, violemment homophobes.

Goran Miletic a déploré dans une déclaration à l'agence Beta que les «institutions de l'État aient raté l'occasion de régler les comptes de ceux qui l'année dernière, lors de la précédente (Gay pride), ont participé aux émeutes, ainsi qu'aux attaques contre la police et les citoyens. Il est absolument incroyable que la police ne l'ait pas fait».

En 2009, la Fierté gaie avait été annulée au dernier moment, les autorités serbes ne se déclarant pas en mesure d'assurer sa sécurité dans le centre de Belgrade.

L'interdiction de la Fierté gaie de dimanche montre «combien le niveau de l'homophobie en Serbie est élevé», a commenté la Commissaire serbe pour l'Égalité, Nevena Petrusic.

«L'atmosphère de crainte, les menaces de violence et de nombreux actes de discrimination (...) ont atteint un sommet et atteint leur objectif avec cette décision», a-t-elle ajouté.

«Tout le monde en Serbie devrait se préoccuper de ce niveau de haine, d'intolérance et de violence contre une minorité, nos citoyens, car demain, il pourrait s'agir de n'importe qui d'entre nous», a conclu Nevena Petrusic.

L'interdiction de la Fierté gaie intervient avant l'avis de la Commission européenne, le 12 octobre, sur l'obtention du statut de candidat à l'Union européenne par la Serbie.

Les Européens ont toujours insisté auprès de Belgrade sur l'importance de protéger les droits des minorités.