L'enquête sur le volet financier de l'affaire Karachi, une enquête mêlant un attentat au Pakistan à des soupçons de corruption en France, se rapprochait mercredi du président Nicolas Sarkozy, avec le placement en garde à vue de deux de ses amis ou ex-collaborateurs.

La justice française s'intéresse à un circuit de corruption présumé ayant accompagné la vente de sous-marins au Pakistan: à des commissions versées à des décideurs, légales à cette époque, se seraient ajoutées des «rétrocommissions» par lesquelles une partie des sommes revenait illégalement en France.

Les enquêteurs cherchent à vérifier si le pactole ainsi constitué aurait pu financer en 1994-1995 la campagne présidentielle d'Édouard Balladur, alors chef du gouvernement. Nicolas Sarkozy était un de ses ministres, et son porte-parole de campagne.

Nicolas Bazire, qui était le directeur de cabinet d'Édouard Balladur, a été interpellé mercredi matin à Paris et placé en garde à vue par la police dans l'enquête sur le financement de la campagne présidentielle de 1995, selon des sources judiciaires et proches de l'enquête.

Nicolas Bazire, actuellement l'un des principaux dirigeants du géant du luxe LVMH, est un ami intime du président français. Il avait été son témoin de mariage en 2008, lorsqu'il avait épousé la chanteuse et ex-mannequin Carla Bruni.

Son domicile et ses locaux professionnels ont fait l'objet d'une perquisition.

Parallèlement, Thierry Gaubert, ex-conseiller à la communication de Nicolas Sarkozy jusqu'au milieu des années 1990, devait être présenté dans la journée au juge d'instruction qui dirige cette enquête. Il était en garde à vue depuis lundi.

Les enquêteurs s'intéressent aux liens éventuels de M. Gaubert avec l'homme d'affaires franco-libanais Ziad Takieddine, présenté comme intermédiaire dans deux contrats d'armement, inculpé le 14 septembre pour «complicité et recel d'abus de biens sociaux», dans le cadre de deux contrats d'armement avec le Pakistan et l'Arabie Saoudite.

Par ailleurs, plusieurs témoins ont mis en cause Nicolas Bazire pour son rôle dans le financement de la campagne d'Édouard Balladur en vue de la présidentielle de 1995, finalement remportée par Jacques Chirac.

Selon le site d'informations Mediapart, un témoin entendu le 8 septembre par la police a affirmé que M. Takieddine s'était rendu à plusieurs reprises dans le milieu des années 1990 en Suisse pour y retirer des fonds remis à Paris à Nicolas Bazire. Directeur de cabinet du premier ministre Édouard Balladur, il était aussi le directeur de sa campagne présidentielle.

M. Takieddine était accompagné dans ces déplacements de Thierry Gaubert, selon Mediapart.

Dès 1995, les experts du Conseil constitutionnel avaient préconisé, mais en vain, le «rejet des comptes de campagne» d'Édouard Balladur, doutant de l'origine de fonds versés en liquide.

Mais l'affaire Karachi ne se limite pas à un soupçon de corruption. Sur l'insistance des familles de victimes, la justice cherche aussi à établir s'il y a un lien entre ce circuit de corruption et un attentat à Karachi en 2002 qui a coûté la vie à 15 personnes, dont 11 Français, travaillant à la fabrication des sous-marins.

Il pourrait s'agir de «représailles pakistanaises» à la suite de l'arrêt du versement des commissions par la France sur ce contrat. Après s'être focalisée sur la piste Al-Qaïda, la justice qui peine à obtenir de nombreux documents classés «secret défense», s'intéresse désormais de près à cette thèse.

Selon l'avocat des familles de victimes de l'attentat de Karachi, Me Olivier Morice, Nicolas Sarkozy a «validé le système mis en place pour permettre cette corruption».

Le président français a toujours assuré n'avoir eu aucune connaissance d'éventuelles rétrocommissions.